Lors de la prise du pouvoir par les nazis, le 30 janvier 1933, de nombreux policiers étaient sceptiques vis-à-vis du parti et de ses intentions. Les troubles provoqués par les nazis, notamment dans les dernières années de la République de Weimar, avaient un caractère subversif et de nombreuses enquêtes de police avaient été menées tant dans les milieux nazis que communistes. Hitler ne se posait pas moins en champion du droit et de l'ordre, proclamant qu'il ferait respecter les valeurs traditionnelles allemandes. La police et nombre d'autres conservateurs attendaient une extension des pouvoirs de maintien de l'ordre promise par un État fort et centralisé. Ils voyaient d'un œil favorable la fin de la politique partisane et acceptaient de mettre fin à la démocratie.

De fait, l'État nazi réduisit nombre des frustrations que la police avait connues dans la République de Weimar. Il mit d'emblée la police à l'abri de la critique publique en censurant la presse. L'arrivée d'Hitler au pouvoir vit la fin des batailles de rue en éliminant la menace communiste. Les effectifs de la police furent même renforcés par l'incorporation d'organisations paramilitaires nazies dans les rangs des auxiliaires. Les nazis centralisèrent et financèrent généreusement la police pour qu'elle puisse mieux lutter contre les bandes criminelles et assurer la sécurité de l'État. L'État allemand augmenta les effectifs, intensifia la formation et modernisa l'équipement. Les nazis offrirent aux forces de l'ordre toute latitude en matière d'arrestations, d'incarcérations et de traitement des prisonniers. La police lança des "actions préventives", c'est-à-dire qu'elle procéda à des arrestations sans disposer des preuves requises pour une condamnation au tribunal, et en fait, sans la moindre supervision judiciaire.

Dans un premier temps, les policiers conservateurs furent satisfaits des résultats de leur coopération avec l'État nazi. La criminalité chuta et l'activité des bandes criminelles prit fin. L'ordre fut restauré. Mais il fallut en payer le prix. Le nouveau régime n'était pas une restauration de la tradition impériale. Il était profondément raciste. Les nazis prirent le contrôle des forces de police traditionnelles de la République de Weimar et les transformèrent en un instrument de répression d'État et, par la suite, de génocide.

L'État nazi opéra la fusion de la police avec les SS et le SD (Service de sécurité - Sicherheitsdienst), deux des organisations nazies les plus extrémistes et les plus engagées sur le plan idéologique. Heinrich Himmler, chef de la SS, prit également la tête de toutes les forces de police allemandes. Son collaborateur, Reinhard Heydrich de la SD, devint en même temps le chef de la police de sécurité, chargée de la protection du régime nazi. L'unification fut achevée en septembre 1939, avec la création du RSHA, le Bureau central pour la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt). L'idéologie nazie envahit toutes les activités de la police. Les policiers jouèrent un rôle central, non seulement dans le maintien de l'ordre public, mais également dans le combat contre les soi-disant ennemis raciaux désignés par l'État nazi. Les "actions de police préventives" eurent, dans ce contexte, des conséquences effroyables : les SS, le SD et la police furent les principaux auteurs de la Shoah.