COLLABORATEUR DE L'AXE

Pendant la guerre, le régime nazi trouva dans le monde entier de nombreux collaborateurs qui cherchaient à faire avancer leurs objectifs politiques et à étendre l'influence de l'Axe. De nombreux dirigeants politiques en exil – comme le nationaliste indien Subhash Chandra Bose, le rebelle syrien Fawzi al-Qawuqji, l'ex-Premier ministre irakien Rachid Ali al-Gillani et le Grand Mufti de Jérusalem Hadj Amin al-Husseini (nationaliste arabe et éminent chef religieux musulman) – fuirent à Berlin d'où ils radiodiffusèrent vers leur pays d'origine, des appels aux troubles, aux actes de sabotage et à l'insurrection contre les Alliés. Exilé en Europe entre 1941 et 1945, al-Husseini y avait le statut d'un éminent chef arabe et musulman antijuif.

Al-Husseini n'avait aucune base institutionnelle qui lui aurait permis d'avoir une quelconque autorité sur les Arabes du Moyen-Orient. C'est pourquoi, il rechercha, auprès des puissance de l'Axe, la reconnaissance publique de son statut de dirigeant de la nation arabe revendiquée. Il chercha également leur approbation pour la création d'un Etat ou d'une fédération arabe indépendante destinée à « écarter » ou à « éliminer » le foyer national juif en Palestine. Il fit de cette déclaration la condition du soulèvement général attendu dans le monde arabe. Les Allemands, et Hitler en particulier, refusèrent à plusieurs reprises de lui conférer une légitimité. Ils étaient réticents à créer des conflits inutiles avec l'Italie ou la France de Vichy, nourrissaient des doutes quant à l'importance de son autorité réelle dans le monde arabe et émettaient des réserves sur la pertinence de déclarations à long terme concernant des régions du monde hors de portée de leurs armes. Le 28 novembre 1941, lors d'une réunion couverte par la presse allemande, Hitler se montra compréhensif, mais refusa de donner à al-Husseini la déclaration publique de soutien qu'il souhaitait. Al-Husseini continua cependant de collaborer avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste de plusieurs manières. Il radiodiffusa, à l'attention du monde arabe et des communautés musulmanes sous contrôle ou influence de l'Allemagne, de la propagande anti-Alliée et antijuive. Il chercha à motiver et à endoctriner les musulmans pour qu'ils s'engagent dans les unités militaires et auxiliaires de l'Axe. Même après avoir compris que les Allemands ne lui donneraient pas satisfaction et qu'ils utiliseraient ses recrues musulmanes comme bon leur semblaient, al-Husseini continua de travailler, jusqu'en 1945, avec l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie. Les Allemands lui fournirent un logement et des fonds et l'utilisèrent là où cela semblait judicieux mais ils refusèrent de prendre des engagements à propos de l'avenir du monde arabe ou de sa place au sein de celui-ci. Les Allemands l'installèrent dans le confort voire dans le luxe. Il installa son bureau et sa résidence dans une villa de Berlin-Zehlendorf et reçut une généreuse allocation mensuelle pour ses frais de logement, ses activités politiques et ses loisirs.

En avril 1942, al-Husseini et al-Gillani écrivirent une lettre conjointe au ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, et au ministre italien des Affaires étrangères, le comte Galeazzo Ciano, leur demandant que l'Axe fasse une déclaration promettant « toute l'assistance possible » au monde arabe, reconnaissant l'indépendance des nations arabes et leur droit de s'unir ainsi que leur accord pour la « suppression d'un foyer national juif en Palestine ». Hitler s'opposa à une déclaration en faveur de l'indépendance arabe. En mai, les Allemands signifièrent par courrier à al-Husseini que « le gouvernement allemand était disposé à reconnaître l'indépendance des territoires arabes lorsqu'ils l'auront gagnée ». Cette lettre qu'al-Husseini doit garder secrète ne contient aucune référence à al-Husseini, ni aucune mention qui puisse légitimer sa revendication de représenter le monde arabe, que ce soit en Allemagne ou au Moyen-Orient.

LES ARMÉES DE L'AXE ENVAHISSENT LES TERRITOIRES ARABES

Les événements militaires de l'été 1942 semblent donner à al-Husseini l'opportunité qu'Hitler avait envisagée huit mois plus tôt de « déclencher l'action arabe qu'il a préparée en secret ». À la fin de l'été 1942, les armées de l'Axe envahissent l'Égypte et pénètrent dans les cols du nord du Caucase. Néanmoins, les Allemands comptent s'engouffrer en Iran et en Irak en passant par le Caucase et privilégient al-Gillani et l'Irak comme région de projection pour une insurrection arabe massive. Le 17 juillet, al-Husseini propose à Ciano et aux responsables allemands et italiens des renseignements militaires de créer un centre en Égypte pour la coordination de tous les aspects de la collaboration entre l'Axe et la « Nation arabe ». Le centre ferait de la propagande via des émissions de radio, des publications et des brochures. Il créerait également des unités arabes de partisans pour mener des actions de sabotage et provoquer une insurrection derrière les lignes britanniques, et des unités militaires régulières arabes qui combattraient aux côtés des troupes de l'Axe. Al-Husseini insiste pour que les unités militaires portent des uniformes arabes, soient commandées par des officiers arabes, et que la langue de commandement soit l'arabe. À nouveau, les Allemands refusent : Hitler dit qu'il « n'attend rien des Arabes ». Fin septembre 1942, al-Husseini propose de fonder un autre centre panarabe en Tunisie qui : 1) renforcerait les liens avec les Arabes dans les territoires français d'Afrique du Nord ; 2) enverrait des armes, des agents, du matériel et de l'argent pour durcir la résistance musulmane en cas de débarquement des Alliés ; 3) recruterait et formerait des soldats arabes qui se tiendraient prêts à défendre l'Afrique du Nord « contre toute menace des Alliés, du bolchévisme et du judaïsme ».

Le 8 novembre 1942, 63 000 troupes britanniques et américaines débarquent au Maroc et en Algérie dans l'opération Torch. Dix jours plus tard, al-Husseini soumet une nouvelle fois sa proposition de centre multifonction panarabe à Tunis dont la viabilité, insiste-t-il, dépend d'une déclaration de soutien de la part de l'Axe à l'indépendance des États arabes nord-africains. Ni les Allemands ni les Italiens ne sont intéressés. Malgré la propagande d'Arabes émigrés via des émetteurs de radio en Grèce et en Italie, aucune rébellion significative ne voit le jour entre la mer Méditerranée et le golfe Persique en 1942. Le 13 mai 1943, les puissances de l'Axe capitulent en Afrique du Nord.

LES EFFORTS DE PROPAGANDE DE GUERRE D'AL-HUSSEINI

Pendant la guerre, les régimes de l'Axe diffusèrent quotidiennement des messages de propagande dans plus d'une douzaine de langues via de puissants émetteurs à Berlin, Bari, Luxembourg, Paris et Athènes. Quelques personnalités telles que William Joyce (Lord Haw-Haw) et le poète moderniste Ezra Pound gagnèrent en notoriété et en audience en raison de leurs discours provocateurs. De l'Asie aux Amériques, la radio de l'Axe asséna les auditeurs de propos anti-Alliés et antisémites dans l'espoir de favoriser l'isolationnisme dans les pays neutres, le défaitisme dans les pays ennemis et l'agitation dans les territoires occupés par les Alliés. Avec d'autres radiodiffuseurs arabes, al-Husseini diffusa, depuis Berlin vers le Moyen-Orient, de la propagande antibritannique, antijuive et favorable à l'Axe. Il appelait à la radio à une révolte arabe contre la Grande-Bretagne et à la destruction des colonies juives en Palestine.

Al-Husseini parlait souvent d'un « complot juif mondial» qui contrôlait les gouvernements britannique et américain et qui soutenait le communisme soviétique. Il prétendait que la « juiverie mondiale » avait pour objectif d'infiltrer et d'assujettir la Palestine - ce centre religieux et culturel sacré du monde arabe et musulman- qui servirait de base à la saisie de toutes les terres arabes. Dans sa vision du monde, les Juifs entendaient asservir et exploiter les Arabes, saisir leur terre, exproprier leur richesse, saper leur foi musulmane et corrompre les fondements moraux de leur société. Il qualifiait les Juifs d'ennemi de l'islam et utilisait une terminologie brute et raciste pour décrire les Juifs et leur comportement, d'autant plus qu'il créa des liens plus étroits avec les S.S. en 1943 et 1944. Il décrivait les Juifs comme ayant des caractéristiques et des comportements immuables. Parfois, il comparait la judaïté à une maladie infectieuse et les Juifs, à des microbes ou des bacilles. Dans au moins un de ses discours, il appela les Arabes au meurtre des Juifs partout où ils se trouvaient. Il prôna systématiquement la « suppression » du foyer juif en Palestine et, parfois, à l'expulsion de tous les Juifs hors de Palestine et des terres arabes.

Pour Al-Husseini, les Britanniques avantageaient les Juifs. Ne leur pardonnant pas la Déclaration de Balfour, le plan de partition ou même le Libre blanc, il les accusait d'avoir trahi les intérêts arabes après la Première Guerre mondiale. Il mit les Arabes en garde contre les promesses britanniques (et américaines) d'autodétermination faites pendant la Seconde Guerre mondiale, citant pour preuve les abus britanniques présumés en Irak et en Syrie ainsi que les abus anglo-américains en Afrique du Nord. Il attribua les actions des États-Unis et du Royaume-Uni à l'influence écrasante des Juifs.

Dans ses discours et ses écrits, al-Husseini soulignait les intérêts communs de l'Allemagne et de l'Italie avec ceux des Arabes et des musulmans. Pour plusieurs raisons, l'Allemagne nazie était selon lui l'allié naturel du monde arabe et musulman: elle n'avait jamais colonisé un État arabe et partageait les mêmes ennemis : les Juifs, la Grande-Bretagne et l'Union soviétique. Al-Husseini soulignait que seule l'Allemagne avait pris la mesure de la menace mondiale du « problème juif » et avait pris des mesures pour le « résoudre » au niveau mondial.

Al-Husseini envisage une grande fédération arabe et à terme une union qui s'affirmerait comme grande puissance capable de défendre le peuple arabe et la religion musulmane contre l'exploitation par les puissances coloniales et contre l'infiltration et l'asservissement des Juifs. Il voit la Palestine comme un point central de liaison avec les différents pays arabes. En l'absence d'influence exercée par les puissances coloniales et les Juifs, l'union arabe d'al-Husseini deviendrait prospère sur les plans économique, culturel et spirituel, en rétablissant dans un contexte moderne la splendeur et la puissance médiévales du monde musulman. Il envisage que la nation arabe entretienne d'étroites relations avec les musulmans d'autres pays : l'Iran, l'Inde et les communautés musulmanes en Union soviétique.

Le 18 décembre 1942, des Arabes émigrés inaugurent un institut central islamique (Islamische Zentralinstitut) à Berlin, avec al-Husseini comme principal sponsor et orateur. Dans son allocution, al-Husseini invective les Juifs déclarant que le Coran considère les Juifs comme étant « les ennemis des musulmans les plus irréconciliables ». Il prédit que les Juifs seraient « toujours un élément subversif sur terre [et] enclins à fomenter des intrigues, à provoquer des guerres et à monter les nations les unes contre les autres ». Al-Husseini insiste sur le fait que les Juifs influencent et contrôlent les dirigeants de Grande-Bretagne, des États-Unis et des « communistes impies ». Grâce à leur aide et à leur soutien, la « juiverie mondiale » a, affirme-t-il, déclenché la Seconde Guerre mondiale. Il exhorte les musulmans à faire les sacrifices nécessaires pour se libérer de la persécution et de la répression de leurs ennemis. Les propagandistes nazis rendent largement compte de l'inauguration de l'« Institut central islamique » et des propos d'al-Husseini. Le journal télévisé allemand filme ses remarques liminaires et la presse publie ses attaques antijuives. Le 23 décembre 1942, le ministère allemand des Affaires étrangères diffuse son discours dans un bulletin d'information quotidien en langue arabe à l'attention du Moyen-Orient.

Au milieu de l'année 1944, al-Husseini accepte de siéger au comité organisateur du Congrès international antisémite » et d'y prendre la parole. Organisé par Alfred Rosenberg, le ministre du Reich des Territoires occupés de l'Est et responsable du Bureau culturel du parti nazi, le Congrès doit permettre aux orateurs antijuifs de démontrer que les Alliés sont en train de mener la Seconde Guerre mondiale exclusivement pour le compte des Juifs, et d'organiser des ateliers internationaux de suivi visant à élaborer des stratégies de recherche « pour lutter contre la juiverie ». Programmé le 11 juillet 1944 à Cracovie, le Congrès doit être annulé par les Allemands lorsque le groupe allemand d'armées Centre s'effondre sur le front de l'Est après le 22 juin 1944.

TENTATIVES D'EMPÊCHER LES SECOURS AUX ENFANTS JUIFS

Au printemps 1943, al-Husseini apprend que des négociations ont lieu entre les partenaires de l'Axe et les Britanniques, les Suisses et la Croix-Rouge internationale pour évacuer et mettre des enfants juifs en sécurité en Palestine. Il tente d'empêcher ces opérations de secours en protestant auprès des Allemands et des Italiens ainsi que des gouvernements de Hongrie, de Roumanie et de Bulgarie. Exigeant que les opérations soient sabordées, al-Husseini suggère que les enfants soient envoyés en Pologne où ils seraient soumis à un « contrôle plus strict ». Bien que ses courriers laissent clairement apparaître qu'il préfère que les enfants soient tués en Pologne plutôt qu'emmenés en Palestine, l'impact de ses lettres demeure nul. Aucun des trois gouvernements ayant reçu les courriers ne conduit des enfants en Pologne. En outre, les Allemands contrecarrent les opérations de secours avant et indépendamment de l'intervention d'al-Husseini.

INITIATIVES DE RECRUTEMENT D'ARABES POUR LES ARMÉES DE L'AXE

Pour légitimer son ambition de diriger le monde arabe, al-Husseini chercha à organiser en unités armées les Arabes réfugiés et les Européens d'origine arabe, en âge de porter les armes. Ces unités, qu'il contrôlerait, seraient déployées sur le sol arabe pour propager les insurrections qu'il envisageait de fomenter. Elles constitueraient le noyau de l'armée du futur État panarabe et permettraient à al-Husseini, leur commandant suprême, d'asseoir son pouvoir de dirigeant des territoires arabes.

À partir de 1941, le régime nazi tenta de recruter des contingents étrangers, tant en Europe qu'en dehors, pour combattre les Alliés aux côtés de la Wehrmacht. Les propagandistes allemands exploitèrent le fort sentiment anticommuniste pour susciter l'adhésion à une « croisade » destinée à sauver la civilisation occidentale du « judéo-bolchévisme », « libérer » les peuples de l'Union soviétique et dénoncer l'impérialisme « ploutocratique » britannique, américain et juif. Dans le cadre de cette campagne de recrutement, quelque 500 000 non-Allemands rejoignirent les divisions de la Waffen-S.S. en 1945. Un mois après l'échec du coup d'État irakien, en juillet 1941, l'Abwehr créa un détachement d'entraînement germano-arabe (Deutsch-Arabische Lehrabteilung-DAL) pour former des Arabes, des étudiants et des réfugiés résidant en Europe pour la plupart, comme soldats dans la Wehrmacht (forces armées allemandes). Après son arrivée en Allemagne à l'automne 1941, al-Husseini envoie davantage de recrues au détachement des DAL, dont des soldats arabes issus des camps de prisonniers de guerre en Italie. Considérant l'unité comme une armée arabe, commandée par des officiers arabes et utilisant l'arabe comme langue de commandement, al-Husseini se dispute avec les officiers d'instruction allemands dont le but est de créer une unité d'opérations spéciales arabe au sein de la Wehrmacht. Malgré sa demande de transfert du détachement des DAL en Afrique du Nord en 1942 pour soutenir le centre panarabe des opérations qu'il envisage de créer en Égypte, les Allemands transfèrent l'unité à Stalino (aujourd'hui : Donetsk) à l'est de l'Ukraine le 20 août. Ils envisagent que les volontaires arabes se déplacent vers le sud en passant par le Caucase et l'Iran et engagent les hostilités avec les Britanniques en Irak. Ce n'est que début 1943 que les Allemands transfèrent le détachement des DAL en Tunisie où ses performances sont décevantes. Le 13 mai 1943, les soldats restants capitulent face aux Alliés.

Sur demande, l'Office central de la sécurité du Reich accueille des membres de l'entourage d'al-Husseini et d'al-Gillani pour effectuer une visite élaborée, mais sans substance, du camp de concentration d'Oranienburg au début du mois de juillet 1942. Le commandant présente aux Arabes la valeur « éducative » de l'expérience du camp pour les prisonniers ; les visiteurs inspectent les appareils électroménagers fabriqués par les prisonniers.

Tandis qu'ils sont sur place, les Arabes s'intéressent aux prisonniers juifs. Les premiers contacts importants d'al-Husseini avec les S.S. en tant qu'institution ont lieu au printemps 1943. Avant ce moment, ses principaux contacts institutionnels en Allemagne sont avec le ministère des Affaires étrangères et l'Abwehr. Le 24 mars 1943, le chef du Bureau principal S.S., Gottlob Berger, invite al-Husseini à assister à une réunion qui se tient en prélude à une campagne de recrutement S.S. parmi les habitants musulmans de Bosnie. Berger est si impressionné qu'il organise une réunion entre al-Husseini et le Reichsführer-S.S. (chef des S.S.) Heinrich Himmler le 3 juillet 1943. Al-Husseini envoie à Hitler ses vœux d'anniversaire le 6 octobre et exprime l'espoir que « l'année à venir voie une coopération encore plus étroite et nous rapproche de nos objectifs communs ».

Lorsque les S.S. décident de recruter parmi les musulmans bosniaques en février 1943 pour une nouvelle division de la Waffen-S.S., le chef du Bureau principal des S.S. Berger enrôle al-Husseini dans une campagne de recrutement en Bosnie du 30 mars au 11 avril. Le 29 avril, Berger rapporte que 24 000-27 000 recrues ont signé et indique que « la visite du Grand Mufti de Jérusalem a eu un impact extraordinairement fructueux ». Al-Husseini et les S.S. font à maintes reprises référence à la réussite de la 13e division de montagne de la Waffen-S.S. (aussi appelée « Handschar »). Al-Husseini s'adresse aux imams militaires de la division en soulignant l'importance de maintenir les principes de l'islam et de « renforcer la coopération entre les musulmans et leur allié, l'Allemagne, » et en identifiant les ennemis communs auxquels les musulmans et les Allemands sont confrontés : la juiverie mondiale, l'Angleterre et ses alliés, et le bolchévisme. Néanmoins, l'unité est globalement inefficace et ne peut être déployée en dehors de Bosnie où, tirant parti de la faiblesse des autorités croates, elle assume des fonctions administratives et d'autodéfense dans les communautés musulmanes du nord-est de la Bosnie. Lorsque les événements militaires dans les Balkans contraignent les Allemands à évacuer la région en octobre 1944, presque 3 000 soldats de la 13e division désertent et les autres se mutinent, forçant Himmler à dissoudre la division huit mois après son déploiement initial. La 13e division de montagne de la Waffen-S.S. ne participe pas à la déportation des Juifs, ni en Bosnie, ni en Hongrie. On ne peut pas exclure la possibilité qu'au cours de son déploiement en Bosnie de février à octobre 1944, le personnel « Handschar » ait participé à l'arrestation et à l'assassinat de Juifs trouvés dans la clandestinité ou partisans. Une telle implication n'est cependant pas documentée. Recevant des subventions à la fois du ministère des Affaires étrangères et des SS, al-Husseini développa des réseaux de renseignements en Turquie, maintint des contacts en Palestine et en Syrie et planifia des opérations de sabotage. Bien que le financement se poursuivit presque jusqu'à la fin de la guerre, il est difficile de juger les bénéfices de son implication pour le régime nazi, au delà de l'argent versé aux contacts d'al-Husseini. Au cours de l'année 1944, l'Abwehr et le service de sécurité (Sicherheitsdienst ; SD) de la SS tentèrent un certain nombre de missions commando au Moyen-Orient. En octobre 1944, une mission impliqua un commando germano-arabe de 5 hommes que le SD lâcha dans la vallée du Jourdain avec des armes, des explosifs et des dictionnaires franco-arabes. Capturé par les Britanniques avant d'avoir eu le temps d'agir, les membres du commando avouèrent lors de l'interrogatoire qu'al-Husseini avait parlé à chacun avant le départ, en comparant l'islam au national-socialisme et en leur promettant que la lutte arabe en Palestine aiderait l'Allemagne nazie.

Ayant appris que les Britanniques créaient une Brigade juive de Palestine, al-Husseini suggéra à Himmler le 3 octobre 1944 que l'Allemagne nazie annonce la création d'une armée arabe-musulmane qui "ferait échouer les plans anglo-juifs" et "participerait à la lutte commune aux côtés du Grand Reich allemand". Le Ministère allemand des Affaires étrangères diffusa un communiqué lors de l'anniversaire de la déclaration Balfour, le 2 novembre, mais sans consulter al-Husseini sur le texte. Ce dernier se plaignit à Ribbentrop que le communiqué n'était "pas approprié", que le terme "musulman" avait été supprimé, et qu'il n'y avait aucune référence à un soutien allemand à l'armée proposée. Mais dans la mesure où le communiqué se référait implicitement à l'indépendance et à l'unité arabes, il représenta le sprint culminant de la politique d'al-Husseini.

ACTIVITES D'APRES-GUERRE

Le 7 mai 1945, le jour de la capitulation allemande, al-Husseini s'enfuit à Berne, en Suisse. Les autorités suisses rejetèrent sa demande d'asile, le placèrent en détention puis le remirent aux autorités françaises. Ces dernières le placèrent en résidence surveillée dans une villa près de Paris. Bien que les Britanniques aient d'abord voulu le récupérer, il y avait des obstacles significatifs pour obtenir sa traduction devant un tribunal international. De plus, aussi bien la Grande-Bretagne que la France, qui cherchaient à rétablir leur influence dans le monde arabe, voyaient de sérieux inconvénients à le garder en détention. Fin 1945, le gouvernement yougoslave retira sa demande d'extradition.

Le 29 mai 1946, porteur d'un passeport au nom de Ma'ruf al-Dawalibi, al-Husseini s'enfuit de France pour l'Egypte. Au Caire, il continua à s'opposer aux demandes sionistes d'un Etat juif en Palestine. Il rejeta le plan de partage des Nations Unies en 1947, et la création en 1948 de l'Etat d'Israël, un objectif contre lequel il avait lutté toute sa vie. Al-Husseini consacra le reste de sa vie à soutenir le nationalisme palestinien et à contester l'Etat d'Israël. ll continua à produire et à diffuser de la propagande anti-sioniste, anti-juive et anti-Israël. Il mourut à Beyrouth, au Liban, le 4 Juillet 1974.