Introduction

Lors de l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et des Nazis en 1933, plusieurs milliers de Noirs vivaient en Allemagne. Le nouveau régime, pour qui ils étaient racialement inférieurs, les ostracisait. Pendant la période nazie (1933–1945), des lois et politiques raciales limitèrent toute opportunité économique et sociale dans le pays. De plus, les Nazis harcelèrent, emprisonnèrent, stérilisèrent et tuèrent un nombre inconnu d’entre eux. 

Origines de la communauté noire d’Allemagne avant la Première Guerre mondiale

Avant la Première Guerre mondiale, plusieurs milliers de Noirs arrivèrent en Allemagne d’Afrique, d’Amérique du Nord et du Sud, et des Caraïbes. Presque tous étaient des hommes. Une large part d’entre eux venait des colonies allemandes en Afrique, notamment du Cameroun1 . Pourtant, pendant la période coloniale, les Allemands imposèrent à leurs sujets des colonies des restrictions migratoires sévères, les autorités cherchant à limiter le nombre de Noirs résidant en Allemagne de façon permanente afin d’empêcher le développement d’une population noire plus significative. 

En dépit de ces restrictions, des hommes noirs venus des colonies et d’ailleurs se rendaient fréquemment en Allemagne pour y apprendre un métier ou trouver du travail. Ils venaient tenter leur chance comme apprentis ou étudiants, ou bien étaient embauchés comme serviteurs ou comme marins. D’autre part, ils furent nombreux à venir dans le pays comme acteurs rémunérés mais exploités dans des expositions publiques que l’on appelait des zoos humains2 .

La majorité des visiteurs noirs ne comptaient séjourner en Allemagne que peu de temps et la plupart des hommes et femmes noirs étaient rentrés chez eux avant la Première Guerre mondiale (1914–1918). Une minorité choisit cependant de s’installer tandis que d’autres qui n’avaient pas prévu de rester se trouvèrent piégés par la guerre, puisque le déclenchement des hostilités en 1914 réduisit les possibilités de voyages internationaux et de migration en Europe et au-delà. 

Même après la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, la plupart des anciens sujets des colonies allemandes ne purent retourner facilement dans leur pays d’origine ou partir à l’étranger. En effet, l’Allemagne perdit ses territoires dans les accords de paix d’après-guerre. Dans ce nouvel ordre international, les habitants des anciennes colonies n’avaient ni la nationalité allemande ni accès à un passeport ou à un titre de voyage. Ils se trouvèrent bloqués dans une Allemagne (alors appelée République de Weimar) dépourvue de tout lien officiel avec ses anciennes colonies. 

Noirs résidant en Allemagne pendant la période de Weimar (1918–1933)

Diapositive projetée durant les cours de l’Académie nationale de la race et de la santé, à Dresde

Au cours de la République de Weimar, une petite communauté de Noirs, majoritairement des hommes arrivés avant la Première Guerre mondiale, vivait en Allemagne. Au début des années 1920, certains avaient rencontré et épousé des Allemandes et avaient fondé une famille. Un grand nombre de ces familles résidait alors à proximité immédiate d’une grande ville telle que Berlin ou Hambourg, Munich, Hanovre ou Wiesbaden. 

Marginalisation dans la société allemande de Weimar

Dans l’Allemagne de Weimar, le racisme faisait partie intégrante de la vie quotidienne des Noirs. Cela rendait difficile la recherche d’un emploi, dans un contexte déjà compliqué en raison de la grande dépression. Les femmes allemandes blanches qui épousaient des hommes noirs étaient souvent ostracisées et avaient peine, elles aussi, à trouver du travail. Les Noirs étaient parfois marginalisés au sein de leur propre famille élargie. Par exemple, Theodor Wonja Michael, né en 1925 à Berlin d’un père camerounais noir et d’une mère allemande blanche, se souvenait que son père était un « sujet tabou » dans la famille de sa mère. 

Ne détenir aucune citoyenneté représentait un problème central pour les familles noires allemandes. En raison des difficultés pour en obtenir une, la quasi-totalité des hommes noirs n’était pas citoyens. Cela avait des conséquences sur leurs femmes et leurs enfants, dont la propre nationalité dépendait de celle de leur mari et de leur père3 . N’étant pas naturalisés, les hommes noirs, leurs femmes blanches, et leurs enfants ne pouvaient pas s’intégrer pleinement à la vie économique, sociale et politique allemande. 

Artistes noirs et culture de Weimar

Si la communauté noire en Allemagne était petite et marginalisée, son existence était loin d'être méconnue. Dans les années 1920, les Noirs étaient particulièrement visibles dans la vie culturelle vibrante et innovante de Weimar. La fascination croissante de l’Allemagne pour la musique et les spectacles afro-américains offrait aux Noirs de nouvelles occasions de jouer sur scène, qu’ils viennent des États-Unis ou non. Ils se produisaient dans des théâtres, des cirques, des films, et dans des lieux de divertissement tels que des bars et cabarets. 

Les « bâtards de Rhénanie » : les enfants métis de Rhénanie 

Durant la période de Weimar, environ 600 à 800 enfants métis naquirent en Rhénanie, une région de l’ouest de l’Allemagne. La presse allemande les désigna sous le terme dénigrant de « bâtards de Rhénanie » (« Rheinlandbastarde »). Leurs mères étaient des femmes allemandes blanches et leurs pères étaient généralement des soldats des colonies françaises appartenant à l’importante force d’occupation militaire alliée en Rhénanie (1918–1930). Si beaucoup de ces soldats étaient Nord-Africains ou Asiatiques, ils étaient tous considérés comme Noirs dans le discours public. 

Publication allemande sur les enfants métis de Rhénanie

En raison de leurs origines mixtes, ces enfants occupaient une place ambivalente dans la société allemande de Weimar. Ils étaient souvent victimes de discriminations à cause de leurs pères et de leur apparence physique. Cependant, ils n’étaient pas totalement exclus. Certains possédaient la nationalité allemande par leur mère non mariée4 . Socialement, ces enfants étaient souvent ostracisés et subissaient le racisme de leurs voisins, de leurs camarades de classe, voire de leur propre famille. Certains demeurèrent avec leur mère biologique ou leurs proches, mais d’autres furent adoptés ou placés dans des institutions. 

Les Noirs sous le régime nazi (1933–1945)

À leur arrivée au pouvoir en 1933, Adolf Hitler et le parti nazi mirent en pratique leurs idées raciales fausses et discriminatoires et les intégrèrent à la législation. Le but était de créer une Allemagne racialement pure où les Allemands appartenaient à une race « aryenne » soi-disant supérieure. En revanche, les Juifs, les Roms (Tsiganes) et les Noirs étaient « non-Aryens » et membres de races supposées inférieures. Par la suite, de nouvelles lois restreignirent les droits des Allemands non aryens. Si elles visaient principalement à exclure les Juifs, elles s’appliquaient également aux Noirs et aux Roms

Pour les Allemands noirs, la période nazie fut une époque de persécution croissante, de marginalisation et d’isolement. Certes, ils avaient connu la discrimination sous Weimar, mais le racisme institutionnalisé du régime rendit encore plus difficiles et précaires leur vie et celle de leur famille. Pour les Noirs d’Allemagne, l’arrivée au pouvoir des Nazis représenta donc un tournant dans leur existence. 

Les Nazis persécutèrent les Noirs en Allemagne non seulement à cause de leur race, mais aussi pour d’autres motifs, notamment leurs opinions politiques. Par exemple, Hilarius « Lari » Gilges (né en 1909) était un danseur noir allemand et un militant communiste de Düsseldorf, en Allemagne. Les Nazis l’assassinèrent le 20 juin 1933 et abandonnèrent son corps dans la rue. Le meurtre de Gilges eut lieu pendant les premiers mois du régime, alors que le pouvoir en place tentait de détruire le mouvement communiste allemand.

L’idéologie raciste nazie imprégnait tous les aspects de la vie en Allemagne. Nombre d’Allemands l’adoptèrent et n’hésitèrent pas à faire preuve de discriminations envers les Noirs de leur propre chef. En conséquence, il devint de plus en plus difficile pour les Noirs de trouver un emploi et de le garder. Collègues et patrons se montraient réticents à l’idée de travailler avec des personnes que la couleur de peau suffisait à exclure de la communauté raciale nazie. Les licenciements, les expulsions et la pauvreté étaient courants. Par la suite, certains Noirs se souviendraient de la vie dans l’Allemagne nazie comme d’une période où des inconnus leur crachaient dessus et leur criaient des injures racistes en toute impunité.

La Loi pour la restauration de la fonction publique

Il devint très vite clair que le régime nazi comptait exclure formellement les Noirs de la société allemande. 

En avril 1933, la Loi pour la restauration de la fonction publique interdit aux personnes « d’ascendance non aryenne » d’être fonctionnaires. Ce décret ne définissait pas exactement ce qui constituait cette « ascendance non aryenne », mais l’intention était manifestement d’exclure les Juifs. Par la suite, la législation précisa qu’elle concernait également les Noirs et les Roms (Tsiganes). En pratique, relativement peu de Noirs furent affectés directement par cette législation, car seuls des citoyens allemands pouvaient être fonctionnaires. De plus, la plupart des Noirs qui avaient la citoyenneté allemande étaient encore trop jeunes pour travailler dans la fonction publique. Il n’en reste pas moins que ce décret et les restrictions ultérieures fondées sur la race limitèrent sévèrement les opportunités professionnelles et les carrières potentielles. Il démontra également que les Nazis ne considéraient pas les Noirs comme appartenant à la communauté nationale allemande (Volksgemeinschaft). 

Les lois raciales de Nuremberg 

En septembre 1935, le régime nazi annonça les lois raciales de Nuremberg, traduction juridique de l’idéologie raciale nazie. Elles visaient principalement les Juifs. Cependant, à partir de novembre 1935, elles s’appliquèrent aussi aux Roms (Tsiganes) et aux Noirs, que le pouvoir désignait péjorativement comme « les Tsiganes, les Nègres, et leurs bâtards » (« Zigeuner, Neger und ihre Bastarde »). 

Il y eut deux lois raciales de Nuremberg. La première, la Loi sur la citoyenneté du Reich, définissait un citoyen allemand comme étant « de sang allemand ou apparenté ». Il s’agissait d’empêcher les individus que le régime considérait comme racialement inférieurs (c’est-à-dire les Juifs, les Roms, et les Noirs) de disposer de droits politiques en Allemagne. 

La seconde était la Loi sur la protection du sang et de l’honneur allemands, qui prohibait le métissage ou ce que l’on appelait la « honte raciale » (Rassenschande). Étaient alors interdit tout nouveau mariage interracial ainsi que les relations sexuelles entre les Juifs et les personnes « de sang allemand ou apparenté ». Il en fut ensuite de même, par un ajout à la législation, pour les Noirs d’Allemagne. L’objectif était de les empêcher d’épouser des Allemandess et d’avoir des enfants avec elles. 

Persécutions et discriminations subies par les couples mixtes dans l’Allemagne nazie

Les lois raciales de Nuremberg créèrent de grandes difficultés pour les Noirs d’Allemagne souhaitant se marier, fonder une famille ou se construire un avenir. Elles affectèrent particulièrement les personnes en âge de procréer ou de se marier. Par ailleurs, si les Noirs pouvaient légalement se marier entre eux, de tels couples étaient rares en raison de la taille restreinte de la communauté. 

Malgré les lois de Nuremberg, des Noirs et Allemands « aryens » continuèrent à avoir des relations en dépit du danger que cela représentait, surtout si elles choisissaient de se marier officiellement. En effet, dans l’Allemagne nazie, il fallait en obtenir la permission. Lorsque des couples mixtes en faisaient la demande, leur dossier était systématiquement refusé pour des motifs raciaux. De plus, les demandeurs attiraient alors l’attention des autorités sur leur relation mixte, ce qui entraînait souvent des conséquences funestes pour le couple. Dans de nombreux cas, les demandes d’autorisation de mariage donnèrent lieu à du harcèlement, à la stérilisation ou à la séparation des époux. 

Les couples légalement mariés avant les lois de Nuremberg furent également harcelés par le régime nazi. On poussait les femmes allemandes blanches à divorcer de leur mari noir. Les couples mixtes et leurs enfants subissaient toutes formes d’humiliation, voire d’agressions lorsqu’ils se montraient en public. Par exemple, à Francfort, des journalistes allemands se moquaient constamment de Dualla Misipo, un Camerounais, ainsi que sa famille noire allemande, dans les pages du journal local du parti. Ni lui ni sa femme allemande blanche ne parvinrent à gagner leur vie. 

Dans au moins deux cas connus, des hommes noirs furent punis notamment pour avoir eu des relations sexuelles avec des allemandes blanches. 

Enfants noirs exclus des écoles

Comme leurs parents, nombre d’enfants noirs d’Allemagne eurent à subir la solitude, l’isolement et l’exclusion pendant la période nazie. Certains se sentaient allemands et souhaitaient s’intégrer, mais l’idéologie raciale nazie ne laissait pas la place à des enfants noirs allemands. Hans Massaquoi, de père libérien et de mère allemande, se souvenait d’un jour où sa classe était allée assister à un défilé auquel Hitler serait présent. 

« Enfin, nous avions la chance de voir [Hitler] de nos propres yeux… Alors me voilà, moi, un garçon de huit ans aux cheveux crépus et à la peau sombre dans un océan de gamins blonds aux yeux bleus, débordant de patriotisme enfantin, encore protégé par l’innocence. Comme tout le monde autour de moi, j’acclamai l’homme dont chaque moment était consacré à la destruction des “personnes inférieures non aryennes” comme moi. » 
Hans J. Massaquoi, Destined to Witness : Growing up Black in Nazi Germany5

Pour les enfants noirs de l’Allemagne nazie, les écoles devinrent des lieux où l’humiliation était constante. Ils étaient souvent dénigrés en cours de science raciale et ridiculisés par les professeurs qui soutenaient les Nazis.

Un enseignant allemand choisit un enfant aux traits « aryens »

Tout comme la nazification du système éducatif avait grandement limité les droits des enfants juifs d’aller à l’école publique, elle affecta aussi les jeunes noirs au cours des années 1930. Certains furent renvoyés et ne purent finir leurs études. Peu d’établissement privés les acceptaient, et trouver une place d’apprenti, étape cruciale pour obtenir un travail en Allemagne, devint de plus en plus difficile.

Au départ, la discrimination contre les enfants dans le milieu scolaire était le fait d’initiatives locales et isolées. Mais à mesure que les Nazis prirent en main l’éducation, ils introduisirent des restrictions officielles. En novembre 1938, après la Nuit de cristal (Kristallanacht), le régime interdit complètement aux enfants juifs d’être scolarisés dans les écoles publiques allemandes. En mars 1941, ce fut le tour des enfants noirs et roms (tsiganes). 

Stérilisation forcée des Noirs dans l’Allemagne nazie

Dans le cadre des persécutions contre les Noirs en Allemagne, les Nazis eurent recours à la stérilisation forcée, notamment des enfants métis de Rhénanie. 

La stérilisation est une procédure qui empêche de procréer. Aujourd’hui, la stérilisation forcée peut être poursuivie comme crime de guerre ou crime contre l’humanité en vertu du droit international. Les Nazis stérilisèrent de force des centaines de milliers d’individus, dont des personnes handicapées, des Roms (Tsiganes) et des Noirs, tous ceux qui, aux yeux des dirigeants nazis, constituaient une menace pour la santé, la force et la pureté de la race aryenne.

Le régime nazi stérilisa de force des centaines de Noirs afin d’empêcher ce qu’il considérait comme un « mélange racial ». En plus de l’adoption des lois de Nuremberg interdisant les mariages mixtes, il eut donc recours à la stérilisation forcée pour éviter qu’adviennent de nouvelles générations de Noirs en Allemagne. 

Certains Noirs dans l’Allemagne nazie furent stérilisés sur décision judiciaire, dans le cadre de la loi de 1933 « sur la transmission de maladies héréditaires » (« Loi sur la santé héréditaire »). Cette loi rendait obligatoire la stérilisation forcée des personnes porteuses de certains handicaps physiques et mentaux, notamment celles qui entraient dans la catégorie mal définie de « minderwertig » ou « simple d’esprit ». Un petit nombre de Noirs faisaient partie des 400 000 Allemands environ stérilisés en application de cette loi. Ferdinand Allen, par exemple, dont le père était un soldat britannique noir et la mère une Allemande blanche, était atteint d’épilepsie et fut donc interné, une des conditions requises par la loi. Il fut stérilisé sur décision de justice en 1935. Le 15 mai 1941, les Nazis l’assassinèrent à Bernburg dans le cadre du programme T4, le programme nazi de meurtre de masse visant les personnes handicapées. 

Les Nazis stérilisèrent également des Noirs en Allemagne uniquement en raison de leur race. Dans les années 1930, un programme secret de la Gestapo coordonna la stérilisation forcée des enfants métis de Rhénanie. À la fin de 1937, les médecins avaient ainsi stérilisé de force au moins 385 enfants et adolescents. Comme la procédure ne reposait sur aucune base légale, des pressions furent exercées sur les familles pour obtenir leur consentement. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime nazi s’en prit à d’autres Noirs en Allemagne, souvent toujours sans aucune base légale. Ces stérilisations visaient particulièrement les adolescents noirs et métis nés en Allemagne et dont les Nazis pensaient qu’ils allaient bientôt atteindre la puberté ou étaient déjà sexuellement actifs.

Vivre sous le nazisme : le spectacle comme source de revenu

La plupart des Noirs vivant en Allemagne en 1933 lorsque les Nazis arrivèrent au pouvoir y restèrent piégés pendant toute la durée du régime. Certains tentèrent de quitter l’Allemagne nazie, mais pour la grande majorité d’entre eux, ce fut impossible. La plupart ne pouvaient pas recevoir de visa pour l’étranger ni émigrer légalement en raison de problèmes de nationalité. Les Noirs en Allemagne n’avaient alors guère d’autre choix que de s’adapter à la vie sous le nazisme. 

Cependant, les restrictions économiques et sociales qui leur étaient imposées rendaient le quotidien très difficile et incertain. Il leur devint pratiquement impossible de gagner leur pain et de subvenir aux besoins de leur famille. Pour nombre d’entre eux, travailler comme artistes et dans le milieu du spectacle était une des seules options. Mais même cette source de revenu s’avérait instable sous le régime nazi. La nazification de la vie culturelle allemande avait fortement réduit les options pour les hommes et les femmes noirs essayant de gagner leur vie comme artistes. 

Devant les difficultés croissantes à trouver un emploi, le Togolais Kwassi Bruce cofonda le « Deutsche Afrika-Schau » en 1934. Il s’agissait d’un spectacle itinérant à la fois ethnographique et de divertissement. Ainsi, de nombreux artistes noirs purent bénéficier d’un revenu. Les Nazis se servirent de ce spectacle pour promouvoir la cause d’un regain des colonies africaines allemandes, perdues à la fin de la Première Guerre mondiale. Ils mirent fin aux représentations en 1940. 

En 1941, le régime nazi interdit formellement aux artistes noirs de se produire en public. Une exception notable fut prévue pour le cinéma. Des hommes, des femmes et des enfants noirs furent autorisés à jouer dans des films de propagande destinés à la promotion des valeurs nazies. Des Noirs (dont des prisonniers de guerre) apparaissent notamment dans le film Carl Peters (1941), la biographie d’un administrateur colonial allemand qui défendait le colonialisme et justifiait sa brutalité.

Internement de Noirs dans des camps de concentration et autres sites pendant la guerre

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les politiques nazies visant les Noirs devinrent plus extrêmes, et ce dans un contexte de radicalisation générale de mesures à l’encontre des ennemis politiques et raciaux supposés. En raison de lois et de politiques renforçant les discriminations et le racisme en Allemagne, de nombreux Noirs se retrouvèrent emprisonnés dans des centres de travail, des prisons, des hôpitaux, des institutions psychiatriques, et des camps de concentration. 

Il existe plusieurs récits documentés de Noirs incarcérés dans des de tels camps. Parmi eux, on peut citer Mahjub bin Adam Mohamed (Bayume Mohamed Husen), emprisonné et assassiné à Sachsenhausen, Gert Schramm emprisonné à Buchenwald, Martha Ndumbe emprisonnée et assassinée à Ravensbrück, et Erika Ngando, emprisonnée à Ravensbrück. Certains, dont Husen et Ndumbe, sont morts dans les camps. D’autres survécurent et rédigèrent des mémoires et des témoignages sur ce qu’ils avaient vécu. Ces dernières années, plusieurs plaques commémoratives appelées Stolpersteine (littéralement « pierres d’achoppement ») dédiées aux victimes noires de persécutions et de meurtres des Nazis ont été posées en Allemagne. 

Les chercheurs continuent à étudier et à reconstituer les histoires des victimes noires des persécutions nazies. Leurs histoires aident à faire la lumière non seulement sur l’expérience des Noirs sous le régime nazi, mais aussi sur l’impact plus large et tragique de l’idéologie nazie sur des personnes et sur des communautés entières.