Josef Nassy (1904-1976) était un artiste noir d'origine juive qui vivait en Belgique au moment où la Seconde Guerre mondiale éclata. Il fut l'un des 2 000 civils détenteurs de passeports américains internés dans des camps allemands pendant la guerre.

Josef Nassy, de son vrai nom Joseph Johan Cosmo Nassy, naquit à Paramaribo au Surinam (Guyane hollandaise). Son père était un homme d'affaires, descendant de Juifs qui avaient fui l'Espagne lors de l'Inquisition. La famille ne pratiquait cependant plus la religion juive depuis l'époque de ses grands-parents. En 1919, Nassy rejoignit son père à New York. Après ses études secondaires, il obtint un certificat en électrotechnique en 1926. Trois ans plus tard, il partit pour l'Angleterre où il travailla à l'installation de systèmes de sonorisation pour une compagnie cinématographique. L'année suivante, son employeur l'envoya à Paris puis en Belgique. Avant son arrivée en Europe, il avait obtenu un passeport américain au nom de Josef Nassy. Il semble qu'il aurait alors prétendu être né à San Francisco en 1899, où les registres publics avaient été détruits lors du tremblement de terre de 1906. Les autorités lui délivrèrent donc le passeport sans plus de formalités.

Nassy travailla pour la même société jusqu'en 1934, année où il décida d'étudier la peinture et fut admis à l'École des Beaux-Arts de Bruxelles. En 1939, il épousa une Belge et commença à gagner sa vie comme portraitiste. Les Allemands occupèrent la Belgique en mai 1940, mais le couple décida de rester. Après l'attaque japonaise de Pearl Harbor en décembre 1941, les États-Unis entrèrent en guerre. Quatre mois plus tard, le 14 avril 1942, Josef Nassy fut arrêté en tant que citoyen d'un pays ennemi. D'abord détenu sept mois dans le camp de transit de Beverloo à Bourg-Léopold en Belgique, il fut ensuite transféré pour le restant de la guerre en Allemagne, au camp d'internement de Laufen et dans le sous-camp de Tittmoning, en Haute-Bavière.

Pendant ses trois ans de captivité, Nassy tint un journal visuel, document unique constitué de plus de 200 tableaux et dessins qui, pour la plupart, représentaient la vie quotidienne dans les camps d'internement. Les conditions de détention dans les camps de civils, dont ceux de Laufen et de Tittmoning, étaient régies par les Conventions de Genève. Ce n'était pas le cas, par contre, du camp de concentration voisin de Dachau et de nombreux autres camps de l'Europe sous occupation allemande où les prisonniers étaient brutalement exploités comme main-d'œuvre forcée et où nombre d'entre eux mouraient d'épuisement, de faim et de maladies.

Nassy et les autres détenus de Laufen et de Tittmoning n'étaient pas soumis au travail forcé. En général, ils étaient suffisamment nourris grâce aux colis de la Croix-Rouge qui complétaient les rations de pain et de soupe distribuées par les Allemands. L'association internationale YMCA (Young Men's Christian Association) fournissait à Nassy des carnets à croquis, des pastels, des crayons, de la peinture à l'huile et des toiles — du matériel qui n'était pas disponible dans les camps de concentration, où les artistes détenus qui dessinaient clandestinement devaient improviser avec des bouts de papier ou d'autres fournitures volées aux Allemands. Le commandant du camp encouragea même Nassy à peindre et à donner des leçons de dessin aux autres détenus. Il n'en reste pas moins que la vie du camp représentée par Nassy était limitée. Ses œuvres mettent l'accent sur la présence de fils de fer barbelé, de miradors, de murs, de portes et de barreaux de prisons.

Au début de l'année 1945, 850 hommes munis de passeports américains et britanniques étaient détenus à Laufen et à Tittmoning. La plupart des Américains étaient des expatriés dont les parents immigrés étaient revenus en Europe pour diverses raisons dans les années 20 et 30. Une douzaine de Noirs et environ 50 Juifs étaient détenus dans ces camps. Beaucoup de ces Juifs avaient obtenu de faux papiers établissant leur nationalité britannique, américaine ou sud-américaine.

La IIIe armée américaine libéra Laufen le 5 mai 1945. Nassy, comme la quasi-totalité des détenus de Laufen et Tittmoning, survécut à la guerre. Un an après sa libération, il fut rapatrié en Belgique. Il parvint à faire sortir toutes ses œuvres d'Allemagne et, au cours des années qui suivirent, participa à de nombreuses expositions d'art consacrées à l'Holocauste. Il exprima souvent le souhait que ses œuvres soient conservées ensemble. En 1984, Severin Wunderman, homme d'affaires et collectionneur californien, acquit la totalité de la collection Nassy. Il en donna une grande partie au United States Holocaust Memorial Museum en 1992.