Loi et justice sous le Troisième Reich
Le Troisième Reich était un Etat policier caractérisé par l'arrestation arbitraire des opposants politiques et idéologiques et par leur emprisonnement dans des camps de concentration.
La nouvelle interprétation du concept de "détention préventive" (Schutzhaft) qui eut cours à partir de 1933 permit à la police de s'affranchir de tout contrôle judiciaire. Dans la terminologie nazie, la "détention préventive" signifiait ni plus ni moins l'arrestation — sans aucun contrôle judiciaire — des opposants réels ou potentiels du régime. Les prisonniers en "détention préventive" n'étaient pas détenus dans le système carcéral ordinaire mais dans des camps de concentration, sous l'autorité exclusive de la SS (Schutzstaffel, corps d'élite de l'Etat nazi).
On a pu parler au sujet du Troisième Reich d'un "Etat double", dans la mesure où le système judiciaire normal coexistait avec le pouvoir arbitraire d'Hitler et de la police. Toutefois, comme la plupart des domaines de la vie publique après l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933, le système judiciaire allemand fit l'objet d'une politique dite de "coordination", autrement dit de mise en conformité avec les objectifs nazis. Toutes les associations professionnelles liées à l'administration de la justice durent fusionner dans la Ligue nationale-socialiste des juristes allemands. En avril 1933, Hitler promulgua l'une des premières lois antisémites, interdisant aux juges, aux avocats et autres professionnels juifs de la justice d'exercer. Par ailleurs, l'Académie de droit allemand et les juristes nazis, tels que Carl Schmitt, prônèrent la nazification du droit allemand afin de le purger de toute "influence juive". Les juges furent invités à se laisser guider dans leurs décisions par leur "sain sentiment populaire" (gesundes Volksempfinden).
Hitler prit les mesures nécessaires pour s'assurer de la fiabilité politique des tribunaux. En 1933, il mit en place des cours spéciales dans toute l'Allemagne pour juger les affaires politiquement sensibles. Mécontent des acquittements prononcés par la Cour suprême (Reichsgericht) lors du procès pour l'incendie du Reichstag, il promulga une loi, le 24 avril 1934, sur la création d'un "Tribunal populaire" (Volksgerichtshof) siégeant à Berlin et chargé des dossiers de trahison et autres "procès politiques" importants. Sous l'autorité de Roland Freisler, le Tribunal populaire devint partie intégrante du système de terreur nazi. Il condamna des dizaines de milliers de personnes comme "vermine du peuple" et des milliers d'autres à mort pour "trahison du peuple". Les conditions dans lesquelles furent jugées et condamnées les personnes accusées de complicité dans le "complot de juillet" (tentative d'assassinat de Hitler, le 20 juillet 1944) furent particulièrement injustes.
Après la guerre, des juristes nazis de premier plan tels que Curt Rothenberger, Franz Schlegelberger et Josef Altstoetter furent jugés lors du procès des juristes de Nuremberg pour "meurtre judiciaire" et autres atrocités.