Dès le début, la politique allemande de traitement des prisonniers de guerre soviétiques fut déterminée par l'idéologie nazie. Les responsables militaires et politiques allemands considéraient les prisonniers de guerre soviétiques comme des êtres inférieurs sur le plan racial mais également comme des ennemis et des obstacles potentiels à la conquête allemande du "Lebensraum" (espace vital). Le régime nazi affirmait n'être nullement tenu de traiter humainement les prisonniers de guerre de l'Armée rouge, l'Union soviétique n'ayant pas ratifié la convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (1929) et ne s'étant pas déclarée partie à la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre (1907). Techniquement, les deux nations n'étaient donc liées que par le droit international général sur la guerre tel qu'établi à l'époque moderne. Cependant même en vertu de ces lois, les prisonniers de guerre devaient être protégés.

La politique de famine de masse à l'Est

Les prisonniers de guerre soviétiques furent les premières victimes de la politique nazie de privation massive de nourriture à l'Est. En août 1941, la ration fixée, par l'armée allemande, pour les prisonniers de guerre soviétiques qui travaillaient n'était que de 2 200 calories par jour. Alors que cette ration était déjà insuffisante pour assurer la survie des prisonniers de guerre, ces derniers recevaient, en pratique, bien moins que la ration officielle. Beaucoup ne recevaient qu'au maximum 700 calories par jour. Le résultat de cette ration de "subsistance", telle que l'appelait l'armée allemande, était la mort par inanition en quelques semaines. Il était fréquent, par exemple, que les prisonniers de guerre ne reçoivent que du pain "russe" spécial, fabriqué à base d'épluchures de betteraves à sucre et de farine de paille. De nombreux rapports datés de la fin de l'été et de l'automne 1941 indiquent que dans de nombreux camps, les prisonniers de guerre, souffrant de malnutrition et de faim, tentaient désespérément d'apaiser leur faim en mangeant de l'herbe et des feuilles.

Les épidémies

Peu de dispositions furent prises par les Allemands pour loger les prisonniers de l'armée soviétique. Des camps de fortune finirent par être établis mais le manque de nourriture, de vêtements et d'abris adaptés causa un très grand nombre de victimes. Les prisonniers devaient souvent se créer des abris improvisés, en creusant des trous dans la terre, pour se protéger des éléments. À la fin de l'année 1941, les épidémies (notamment de typhoïde et de dysenterie) devinrent la principale cause de décès. Pour le seul mois d'octobre 1941, environ 5 000 prisonniers de guerre soviétiques moururent par jour. Le nombre de décès augmenta avec l'arrivée de l'hiver, un grand nombre de prisonniers n'étant pas ou peu protégés du froid.

Même dans les camps situés en Allemagne, les prisonniers de guerre soviétiques restaient souvent à végéter pendant des mois dans des tranchées qui leur servaient d'abri ou dans des huttes de terre séchée. Dans les territoires occupés de l'Est, les conditions étaient encore pires. En Biélorussie, les prisonniers de guerre soviétiques étaient uniquement abrités par des structures équipées d'un toit mais dépourvues de murs. Au cours de l'hiver 1941, la famine et la maladie firent un nombre incalculable de morts.

De nombreux soldats soviétiques, dont un grand nombre de blessés, moururent en route vers des centres de regroupement de prisonniers et des camps de transit. D'autres moururent au cours de leur transfert vers les camps de Pologne occupée ou du Reich allemand. La plupart des prisonniers capturés en 1941 furent contraints de marcher en rang sur des centaines de kilomètres et ceux qui étaient trop épuisés pour poursuivre étaient abattus sur place. Seule l'utilisation de wagons de marchandises ouverts fut autorisée, par le Haut commandement des forces armées, pour leur transport ferroviaire. Il s'écoulait parfois plusieurs jours avant qu'ils reçoivent de la nourriture. Beaucoup moururent au cours des mois d'hiver, et, selon les rapports de l'armée, entre 25 et 70 % des prisonniers de guerre soviétiques décédèrent dans ces trains reliant les pays baltes occupés à l'Allemagne.

Les fusillades de masse

Le grand nombre de morts n'était pas dû uniquement à la négligence irresponsable des officiers allemands mais également aux exécutions massives. Les Allemands abattaient les soldats soviétiques gravement blessés afin que l'armée allemande n'ait pas à se soucier de leur sort. Les forces allemandes furent appelées à de nombreuses reprises à prendre des "mesures rudes et impitoyables" et à ne pas hésiter à "utiliser leurs armes" afin de "supprimer toute trace de résistance" des prisonniers de guerre soviétiques. Ceux qui tentaient de s'échapper étaient abattus sans sommation. En outre, un décret du 8 septembre 1941 indiquait que l'utilisation des armes à l'encontre des prisonniers de guerre soviétiques était "une règle devant être considérée comme légale", ce qui était pour les soldats allemands une incitation évidente à les tuer en toute impunité.

À la mi-juillet 1941, le général Hermann Reinecke, officier en charge des affaires relatives aux prisonniers de guerre au sein du Haut commandement des forces armées, autorisa les forces de sécurité de l'Office central de la sécurité du Reich à rechercher, parmi les prisonniers de guerre soviétiques des camps, les "éléments intolérables sur le plan politique et racial". Ces prisonniers furent transférés à la juridiction SS et tués. Cette mesure entraîna une hausse considérable du nombre de victimes car "les fonctionnaires importants du parti et de l'État", ainsi que les "intellectuels", les "communistes fanatiques" et "les Juifs" étaient tous considérés comme intolérables.

Les exécutions

Les exécutions n'eurent pas lieu dans les camps de prisonniers de guerre ou dans leur voisinage immédiat. Les prisonniers étaient en fait transférés en lieu sûr et abattus. Les camps de concentration s'avérèrent des lieux parfaits pour les exécutions. Dans le camp de concentration de Gross-Rosen, par exemple, les SS tuèrent plus de 65 000 prisonniers de guerre soviétiques en les nourrissant uniquement d'une maigre soupe à base d'herbe, d'eau et de sel pendant six mois. À Flossenbürg, les SS brûlèrent vifs des prisonniers de guerre soviétiques. À Majdanek, les prisonniers furent fusillés dans des tranchées. À Mauthausen, en Autriche, le nombre de prisonniers de guerre abattus fut si élevé que la population locale se plaignit de la contamination des points d'eau. Les rivières et cours d'eau situés à proximité du camp étaient rouges de sang. Le nombre estimé de victimes de cette opération se situe entre 140 000 et 500 000.

Les centres de mise à mort

Les camps de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau et de Majdanek avaient été initialement conçus pour les prisonniers de guerre soviétiques dont Heinrich Himmler revendiquait le contrôle. Les prisonniers de guerre devaient travailler dans les immenses conglomérats industriels que la SS envisageait de développer avec des entreprises telles que I.G. Farben. Cependant, en janvier 1942, seules quelques centaines de prisonniers soviétiques, sur les 10 000 qui avaient été déportés à Auschwitz, étaient encore en vie et aucune arrivée nouvelle n'était prévue. C'est la raison pour laquelle Himmler décida, dans la semaine qui suivit la Conférence de Wannsee, de remplir les camps avec 150 000 Juifs. C'est ainsi que les camps SS construits pour les prisonniers de guerre devinrent une partie intégrante de l'infrastructure destinée à l'extermination des Juifs.

C'est à Auschwitz que le commandant du camp Rudolf Höss et ses assistants expérimentèrent sur les prisonniers de guerre soviétiques le Zyklon B, ce moyen d'extermination qui est depuis devenu le symbole du génocide nazi. Au début du mois de septembre 1941, 600 prisonniers de guerre soviétiques furent sélectionnés afin d'être exécutés. Höss décida de les gazer au Zyklon B, également connu sous le nom d'acide cyanhydrique, dans la chambre à gaz d'Auschwitz I. Le gazage expérimental fut également pratiqué sur 250 détenus considérés comme inaptes au travail. Dès le mois d'octobre 1939, les nazis avaient commencé à expérimenter le gazage comme outil d'extermination des personnes considérées comme handicapées. C'est ainsi que fut mise au point une méthode efficace permettant de tuer des millions de personnes avec un effort minimal. Les leçons tirées furent ensuite appliquées aux prisonniers de guerre soviétiques, puis aux Juifs. Au mois de février 1942, 2 millions de soldats soviétiques sur les 3,3 millions capturés par les Allemands étaient morts de faim, de froid, de maladie ou fusillés.