La ville de Varsovie, capitale de la Pologne, s’étend sur les deux rives de la Vistule. Comptant 1,3 million d’habitants, elle était la capitale de l’État polonais depuis sa renaissance en 1918 et, avant la Seconde Guerre mondiale, représentait un centre de vie et de culture juives majeur en Pologne. À cette époque, plus de 350 000 Juifs y résidaient, soit environ 30 % de la population de la ville, qui représentaient également la communauté juive la plus importante de Pologne et d’Europe, deuxième plus grande du monde après celle de New York.

Lors de l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre 1939, Varsovie connut d’intenses bombardements aériens et des tirs d’artillerie lourde. Les troupes allemandes s’emparèrent de la ville le 27 septembre 1939.

L'Allemagne envahit la Pologne

Moins d’une semaine plus tard, les dirigeants allemands ordonnèrent la formation d’un Conseil juif (Judenrat), qu’ils placèrent sous la direction d’Adam Czerniaków, un ingénieur d’origine juive. En tant que président, celui-ci était chargé d’administrer le ghetto en cours de création et de faire exécuter les ordres des Allemands. Le 23 novembre 1939, un décret publié par Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée, obligea tous les Juifs de sa juridiction à s’identifier en portant un brassard blanc frappé d’une étoile de David bleue. Cet ordre s’appliquait aussi aux Juifs de Varsovie. Parallèlement, les autorités allemandes fermèrent les écoles juives de la ville, confisquèrent les biens des Juifs, enrôlèrent les hommes juifs dans les travaux forcés et supprimèrent les organisations juives existantes.

Le ghetto de Varsovie

En octobre 1940, les dirigeants allemands décrétèrent la création du ghetto de Varsovie. Tous les Juifs résidant à Varsovie furent obligés de déménager dans la zone indiquée. En novembre 1940, les autorités allemandes l’isolèrent physiquement à l’aide d’un mur d’enceinte de plus de 3 mètres de hauteur surmonté de barbelés et gardé de près pour empêcher les va-et-vient. On estimait alors la population du ghetto, à laquelle s’étaient ajoutés les Juifs de villes voisines contraints de s’y rendre, à plus de 400 000 personnes. Les autorités allemandes forcèrent les résidents à habiter dans une zone de 3 kilomètres carrés. En moyenne, 7,2 personnes vivaient dans une pièce.

Conditions de vie dans le ghetto

Enfants mangeant dans les rues du ghetto de Varsovie.

Les bureaux du Conseil juif étaient situés rue Grzybowska, dans la partie sud du ghetto. Plus généralement, des organisations juives tentaient de veiller aux besoins des résidents, chacun se battant pour survivre. Parmi celles-ci, on comptait la Société d’entraide juive, la Fédération des associations polonaises de protection des orphelins, et l’Organisation de réhabilitation par l’apprentissage. Majoritairement financées jusqu’à la fin 1941 par le JDC (American Jewish Joint Distribution Committee), basé à New York, ces associations cherchèrent à maintenir en vie une population sévèrement touchée par la famine, le froid et les maladies infectieuses.

Dans le ghetto, la famine était si grande, si terrible, que les gens se couchaient dans la rue et mouraient, que des petits enfants mendiaient…
Abraham Lewent

Les rations alimentaires allouées par les autorités civiles allemandes étaient insuffisantes pour survivre. En 1941, un Juif du ghetto devait subsister avec en moyenne 1 125 calories par jour. Dans son journal, Adam Czerniaków écrivit le 8 mai 1941 : « Enfants mourant de faim ». Entre 1940 et la mi-1942, ce furent 83 000 Juifs qui moururent de faim et de maladie. La contrebande de nourriture et de médicaments venus de l’extérieur était répandue et permettait de compléter les misérables rations officielles. Sans cela, les morts auraient été encore plus nombreux.

Documentation de la vie dans le ghetto

Emanuel Ringelblum, un historien de Varsovie qui jouait un rôle majeur dans les efforts d’entraide, fonda une organisation clandestine destinée à consigner avec précision les évènements qui se produisaient dans la Pologne occupée par l’Allemagne. Enrichie pendant toute la période d’existence du ghetto, cette archive a pris le nom d’« Oneg Shabbat » (« Joie du Shabbat », ou Archive Ringelblum). Partiellement retrouvée après-guerre, c’est une source inestimable sur la vie dans le ghetto et la politique allemande envers les Juifs de Pologne.

Déportations et soulèvement

Du 22 juillet au 12 septembre 1942, les unités SS et policières allemandes, assistées par des auxiliaires, procédèrent à des déportations massives du ghetto de Varsovie vers le centre de mise à mort de Treblinka, à 84 kilomètres de la ville. Durant cette période, près de 265 000 Juifs y furent emmenés et au sein du ghetto, environ 35 000 Juifs  furent tués au cours de l'opération. Plutôt que de fournir les quotas quotidiens de déportés, le président du Conseil juif, Adam Czerniaków, se suicida le 23 juillet.

En janvier 1943, la police et la SS revinrent à Varsovie avec l’intention de vider le ghetto des quelque 60 000 Juifs qui y vivaient encore pour les déporter vers des camps de travaux forcés pour Juifs dans le district de Lublin du Gouvernement général. Mais cette fois, de nombreux Juifs, convaincus à juste titre qu’on les emmenait au centre de mise à mort de Treblinka, résistèrent. Certains utilisèrent des armes légères introduites clandestinement dans le ghetto. Après avoir capturé environ 5 000 Juifs, la SS et la police arrêtèrent l’opération et se retirèrent.

Maisons juives en flammes après que les nazis y mirent le feu pour tenter de forcer les Juifs à sortir de leur cachette au cours ...

Le 19 avril 1943, une nouvelle force composée de SS et de policiers se présenta devant les murs du ghetto avec le même objectif, liquider les lieux et déporter le reste des habitants vers des camps de travaux forcés du district de Lublin. Sous l’impulsion du groupe de résistants appelé Organisation juive de combat (Żydowska Organizacja Bojowa, ŻOB), les habitants du ghetto opposèrent une résistance organisée lors des premiers jours de l’opération, infligeant des pertes à des unités bien armées et équipées. Par petits groupes ou individuellement, l’insurrection se poursuivit durant quatre semaines, puis les Allemands mirent fin à l’opération, le 16 mai. La SS et la police déportèrent environ 42 000 survivants du ghetto de Varsovie capturés au cours du soulèvement vers les camps de travaux forcés de Poniatowa et Trawniki, ainsi que vers le camp de concentration de Lublin/Majdanek. À l’intérieur du ghetto, ce furent au moins 7 000 Juifs qui périrent, cachés ou au combat. La SS et la police en envoyèrent 7 000 de plus au centre de mise à mort de Treblinka.

Durant les mois qui suivirent, des Juifs isolés continuèrent à se réfugier dans les ruines du ghetto et parfois, à attaquer des policiers allemands en patrouille. On estime que jusqu’à 20 000 Juifs de Varsovie vécurent ainsi dans la partie dite « aryenne » de Varsovie après la liquidation du ghetto.

Fin de la guerre à Varsovie 

Le 1er août 1944, l’Armée de l’intérieur polonaise (Armia Krajowa, AK), force de résistance clandestine alignée avec le gouvernement en exil, se souleva contre les autorités d’occupation allemandes dans le but de libérer Varsovie. L’armée soviétique se trouvait alors près de la ville, mais refusa d’intervenir en faveur de l’insurrection. La population civile se joignit à l’AK pour faire face à des soldats allemands bien armés. Ceux-ci vinrent finalement à bout de la révolte et détruisirent la ville en octobre 1944. Les civils furent traités avec une extrême cruauté, déportés vers des camps de concentration ou de travaux forcés. Des dizaines de milliers d’entre eux périrent au cours du soulèvement de Varsovie. Parmi eux, un nombre inconnu de Juifs qui étaient parvenus à se cacher ou qui avaient pris part aux combats. 

Les troupes soviétiques reprirent l’offensive en janvier 1945. Le 17, elles entrèrent dans une Varsovie en ruine.