Le 18e siècle, dit des Lumières, marqua une évolution pour l'antisémitisme, reflétant de nouvelles réalités culturelles, intellectuelles et politiques. Dans les premiers siècles de l'époque moderne en Europe, les Juifs furent invités à s'installer à l'Est et au centre du continent (voire parfois, après leur expulsion, en Europe de l'Ouest) avec certaines autorisations et protections, mais aussi des restrictions de résidence et d'activités.

Sous la « protection » des premiers dirigeants et aristocrates terriens de l'époque moderne, les Juifs furent autorisés et encouragés à exécuter les tâches de gestion et commerciales que les classes au pouvoir n'avaient ni la volonté ni la capacité d'effectuer elles-mêmes. Les Églises catholique et orthodoxe ayant banni l'usure (prêt d'argent avec intérêt) et considérant généralement les affaires comme une activité immorale, les Juifs se virent remplir le rôle vital (mais impopulaire) de prêteurs pour la majorité chrétienne.

On leur permit de faire du commerce, d'être fournisseurs, fabricants, banquiers, et artisans, et d'exercer des professions libres : art, musique, littérature, théâtre et, à mesure qu'il se développait, journalisme. Ils purent également devenir gérants de propriétés foncières et percepteurs. Une petite minorité d'entre eux connut le succès et se singularisa, mais la plupart des Juifs qui travaillaient dans le commerce et l'artisanat pour le marché local étaient bien souvent aussi pauvres que les paysans parmi lesquels ils vivaient et qui leur achetaient leurs produits.

Par ailleurs, les dirigeants interdirent aux Juifs de détenir des terres, d'être officiers dans l'armée et d'occuper des postes dans l'administration s'ils ne se convertissaient pas au christianisme (catholicisme, orthodoxie ou, après la Réforme au 16e siècle, une des dénominations protestantes). Du 16e au 18e siècle, les dirigeants absolutistes renforcèrent les états modernes, et au cours du 19e siècle, la loyauté à une nation s'opposa de plus en plus à la croyance religieuse comme marqueur central d'identification humaine. Dans l'esprit populaire, les Juifs, qui subissaient toujours les discriminations décrites plus haut, ne furent donc pas associés aux professions les plus « nobles » du début de l'époque moderne en Europe centrale et en Europe de l'Est (où vivaient la majorité d'entre eux) : aristocratie terrienne, armée et administration.

Les corporations fermèrent leurs portes aux artisans Juifs (sauf s'ils se convertissaient), qui ne purent plus produire à petite échelle. Des stéréotypes se développèrent, renforcés par ces autorisations et restrictions spéciales : 1) les Juifs n'exécutaient pas de tâches pénibles et ne fabriquaient rien de leurs mains ; 2) ils choisissaient de travailler dans les secteurs de la finance et le commerce de marchandises qu'ils ne produisaient pas du fait de leurs compétences, de leur cupidité et de leur désir de manipuler et léser les Chrétiens ; 3) ils étaient lâches et évitaient le service militaire ; 4) ils préféraient les études inutiles et les divertissements futiles aux métiers difficiles et créatifs ; et 5) ils étaient hypocrites et potentiellement perfides dans la mesure où ils se convertissaient au christianisme uniquement pour obtenir des avantages matériels.