L'Action Reinhard (Einsatz Reinhard)
L'Action Reinhard (Einsatz Reinhard, également orthographiée Action Reinhardt) devint le nom de code du plan allemand d'extermination d'environ deux millions de Juifs qui résidaient dans le Gouvernement général de Pologne ( le nom de la partie du territoire de Pologne occupée par l'Allemagne — non annexée directement à l'Allemagne — mais rattachée à la Prusse orientale allemande, ou intégrée à l'Union Soviétique occupée par l'Allemagne).
Bien que lancée à l'automne 1941, l'opération fut nommée plus tard d'après le général SS Reinhard Heydrich, le chef de l'Office central de sécurité du Reich (RSHA ou Reichssicherheitshauptamt), qui mourut en juin 1942 des suites d'un attentat organisé par des partisans tchèques. Le RSHA était l'agence chargée d'organiser la déportation et l'extermination des Juifs d'Europe vers des centres de mise à mort situés en Pologne occupée. En janvier 1939, décembre 1940 et juillet 1941, Heydrich avait été chargé personnellement par Adolf Hitler et Hermann Goering de trouver des solutions à "la question juive" .
Le général SS Odilo Globocnik, chef de la SS et de la police du district de Lublin du Gouvernement général, dirigea l'opération Reinhard entre l'automne 1941 et la fin de l'été 1943. Pour mettre en oeuvre le plan d'extermination, Globocnik créa deux sections. La première, sous la direction du commandant SS Hermann Hoefle, était une équipe de coordination chargée de mettre en place le personnel et la logistique pour les déportations. Hoefle coordonnait également les opérations de déportations — qui étaient généralement placées sous le commandement des chefs régionaux de la SS et de la police — avec les autorités régionales de la SS, de la police ainsi que les autorités civiles d'occupation. La seconde section était l'Inspection des unités spéciales SS sous la direction du commissaire de police criminelle Christian Wirth. Elle fut chargée de la construction et de la gestion des trois centres de mise à mort de l'opération Reinhard (Belzec, Sobibor et Treblinka II). Ces trois camps furent gérés par des petits détachements de SS et par la police et gardés par des détachements d'auxiliaires de police, formés au camp d'entraînement de Trawniki.
Comme Globocnik le nota en janvier 1944, les objectifs de l'action Reinhard étaient de :
1) "reimplanter" (c'est à dire de tuer) les Juifs polonais,
2) d'exploiter le travail qualifié ou manuel de certains Juifs polonais avant de les tuer,
3) de confisquer les biens personnels des Juifs (vêtements, monnaie, bijoux et autres biens),
4) d'identifier et de confisquer les biens immobiliers dissimulés tels que les usines, les appartements et les terres.
La construction des trois camps commença à l'automne 1941. Christian Wirth avait joué un rôle significatif dans l'assassinat des handicapés et des malades mentaux, placés en institution en Allemagne, entre 1939 et 1941. Il s'était occupé des techniques de gazage par le monoxyde de carbone et il utilisa cette "expertise" pour construire les les centres de mise à mort de l'opération Reinhard. Dans les trois camps, des gardiens formés à Trawniki, supervisés par les équipes de l'Opération Reinhard, assassinèrent leurs victimes en diffusant dans les chambres à gaz du monoxyde de carbone généré par des moteurs stationnaires. Après avoir été testées sur des prisonniers polonais et des prisonniers de guerre soviétiques, les opérations d'extermination commencèrent à Belzec entre mars 1942 et prirent fin en décembre 1942. A Sobibor, les opérations commencèrent en mai 1942 et se terminèrent en octobre 1943. Treblinka II ouvrit en juillet 1942 et ferma en août 1943.
Les équipes allemandes et leurs auxiliaires (formés pour la plupart au camps de Trawniki) exterminèrent au moins 434 508 Juifs à Belzec; au moins 167 000 Juifs à Sobibor et approximativement 925 000 Juifs à Treblinka II. Des Polonais, des Roms (Tsiganes) et des prisonniers de guerre soviétiques furent également exterminés dans ces trois camps sans que l'on connaisse le nombre de victimes. Les biens appartenant aux victimes des camps de l'Opération Reinhard furent stockés dans des dépôts situés dans la ville de Lublin, au camp de concentration de Lublin-Majdanek et dans les camps de travail forcé de Trawniki et de Poniatowa.
La grande majorité des victimes de l'Action Reinhard furent des Juifs déportés des ghettos de Pologne. Une fois les camps de mise à mort opérationnels, les SS allemands et les forces de police liquidèrent les ghettos et déportèrent les Juifs par voie ferroviaire vers ces centres mise à mort. Les victimes de Belzec furent principalement des Juifs des ghettos du Sud de la Pologne, dont des Juifs allemands, autrichiens et tchèques qui étaient détenus dans les ghettos de transit de Piaski et d'Izbica situés dans le district de Lublin. Les Juifs déportés à Sobibor venaient principalement de la région de Lublin et des ghettos de la partie orientale du Gouvernement général. Ces camps de mise à mort reçurent également des déportés de France et des Pays Bas. A Treblinka, les déportés venaient en majorité du centre de la Pologne, pour la plupart du ghetto de Varsovie, mais aussi des districts de Radom et de Cracovie du Gouvernement général, du district de Bialystok, ainsi que de Thrace et de Macédoine alors occupées par la Bulgarie.
Plusieurs camps de travail forcé destinés aux Juifs dans le district de Lublin, dont Poniatowa, Trawniki, Budzyn, Krasnik, et le camp de Lublin/Majdanek (avant sa conversion en camp de concentration en février 1943), firent également partie de l'opération Reinhard. Majdanek servit aussi un temps, à partir de la fin de l'automne 1942, de centre de mise à mort pour des Juifs que les SS ne pouvaient plus tuer à Belzec. En novembre 1943, après le soulèvement de Sobibor, les SS et les unités de police fusillèrent les Juifs incarcérés dans les camps de travail forcé de Trawniki, Poniatowa et Majdanek. 42 000 Juifs furent exécutés lors de cette opération appelée "Fête de la moisson" (Erntefest). Avec la mise en oeuvre de l'opération "fête de la moisson", l'action Reinhard toucha à sa fin comme l'indiqua Globocnik en soumettant à Hitler un rapport final en janvier 1944.
En tout, les SS et les policiers tuèrent au minimum 1,7 million de Juifs lors de l'action Reinhard. Un nombre inconnu de Polonais, de Roms et de prisonniers de guerre soviétiques furent également tués dans les camps de l'action Reinhard.