Oradour-sur-Glane était un petit bourg agricole d'environ 350 habitants situé près de Clermont-Ferrand, à 25 kilomètres au nord-ouest de Limoges. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le village se trouvait en zone française sous occupation allemande. Le 10 juin 1944, des troupes de la 2e Panzerdivision de la Waffen-SS (division blindée) Das Reich massacrèrent 642 personnes (presque toute la population qui s'y trouvait alors), puis détruisirent le village. Après la guerre, Oradour-sur-Glane égalait Lidice en termes d'image emblématique des crimes allemands commis contre des civils européens pendant l'Occupation.

LES AUTORITÉS ALLEMANDES D'OCCUPATION EN FRANCE

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la réaction des autorités allemandes d'occupation en France aux attaques organisées par le mouvement de résistance (mieux connu sous les noms de maquis ou Résistance) contre les soldats, les quartiers généraux et les biens allemands se fit avec de plus en plus de brutalité. Les militaires allemands tuaient des otages et enfermaient dans des camps de concentration des partisans ou des sympathisants de la Résistance, réels ou supposés. De manière générale, les mesures anti-partisanes en France n'atteignirent jamais le degré de violence ni le nombre de victimes civiles que celles mises en œuvre dans l'est et le sud-est de l'Europe, particulièrement en Serbie, en Grèce et en Union soviétique.

Avant et, surtout, après le débarquement allié sur les côtes normandes le 6 juin 1944, le mouvement français de résistance augmenta ses tentatives de perturber les communications et les lignes de ravitaillement allemandes. Les chefs militaires allemands radicalisèrent et intensifièrent la riposte aux activités réelles et présumées de résistance, surtout ceux qui avaient servi sur le front de l'Est et dont la réaction face à l'activité partisane avait été conditionnée par l'extraordinaire brutalité des mesures anti-partisanes qui y étaient prises.

Le 8 juin 1944, deux jours après le débarquement allié, le commandant en chef du front de l'Ouest de l'Armée allemande, le feld-maréchal Gerd von Rundstedt, donna l'ordre d'« écraser » la Résistance « au moyen d'initiatives rapides et impitoyables ». Il exprima « l'espoir que l'opération majeure contre les gangs [c'est à dire les partisans] dans le sud de la France soit menée avec la plus grande dureté et sans aucune indulgence. » Le général Karl-Heinrich von Stülpnagel, commandant militaire en France, ordonna le redéploiement d'un certain nombre d'unités stationnées à travers le pays pour renforcer le front de Normandie et écraser l'activité partisane derrière les lignes allemandes. Parmi les unités redéployées en Normandie se trouvait la 2e Panzerdivision de la Waffen-SS Das Reich, arrivée en janvier 1944 à Montauban, dans le sud de la France, comme unité de réserve.

Avant d'être transférée en France, Das Reich avait mené des missions de combat pendant deux ans, dont de nombreuses actions anti-partisanes sur le front de l'Est. De juillet 1943 à janvier 1944, son commandant, le major général SS Heinz Bernhard Lammerding, avait été chef d'état-major pour le général SS Erich von dem Back-Zelewski, qu'Himmler avait désigné pour commander et coordonner les opérations anti-partisanes derrière les lignes allemandes en Union soviétique occupée. Lammerding avait alors ordonné différentes mesures de représailles à l'encontre des civils soviétiques pour des activités ou des « sympathies » réelles ou présumées. Ces opérations avaient entraîné le massacre de dizaines de milliers de civils, dont beaucoup n'avaient rien à voir avec les partisans, et l'incendie volontaire de dizaines de villages.

Au fur et à mesure que la 2e division SS se redéployait en Normandie, la résistance française s'acharnait sur elle. Le 9 juin 1944, Lammerding donna l'ordre de « nettoyer » de ses partisans la zone autour de Clermont-Ferrand. Le même jour, des membres de la division démontraient ce que signifiait ce « nettoyage » de partisans : en représailles à une attaque, les soldats de Das Reich pendirent 99 hommes du village de Tulle, près de Limoges.

Le lendemain, le 10 juin 1944, les soldats de la 3e compagnie, 1er bataillon, 4e régiment de Panzergrenadier (infanterie motorisée) Der Führer, qui faisait partie de la 2e Panzerdivision SS depuis avril 1944, marchaient sur le village d'Oradour-sur-Glane. Dirigées par le commandant du 1er bataillon, le major SS Adolf Diekmann, les troupes de la Waffen-SS encerclèrent le village en milieu de journée. À ce moment-là, la population du village, à laquelle s'ajoutaient les réfugiés venus d'autres régions de France, dont des juifs, avait presque doublé, pour atteindre 650 habitants.

LE MASSACRE ET LA DESTRUCTION D'ORADOUR-SUR-GLANE

Les soldats SS rassemblèrent l'ensemble des habitants sur la place du village. Puis, ils séparèrent les hommes des femmes. Les 1er et 2e pelotons emmenèrent les 197 hommes dans des granges en bordure du village et les y enfermèrent. Le 3e peloton emprisonna 240 femmes et 205 enfants dans l'église. Les SS mirent ensuite le feu aux granges et jetèrent des grenades par les vitraux de l'église, tirant sur ceux qui tentaient d'échapper aux flammes.

Après avoir tué 642 habitants, dont sept réfugiés juifs, la compagnie pilla les maisons vides et incendia le village. Vers 20 heures le 10 juin, les SS se retirèrent des ruines encore fumantes. Seuls sept villageois survécurent au massacre : six hommes et une femme, tous plus ou moins gravement blessés. Environ quinze autres habitants réussirent à échapper aux Allemands avant le début du massacre ou à se soustraire à la rafle en se cachant.

APRÈS LE MASSACRE

À l'époque, le massacre d'Oradour-sur-Glane reçut une attention considérable, obligeant le commandement de l'armée allemande à chercher une explication, et les officiers de Das Reich à en trouver une.

Le soir du 10 juin, après le départ des troupes, Diekmann rassembla ses officiers et sous-officiers et leur ordonna de ne pas parler de la tuerie. Si on leur posait la question, ils devaient dire que les insurgés avaient attaqué la division dans le village et que les villageois avaient été abattus au cours du combat. C'est l'explication que donna le haut commandement de l'Armée allemande au secrétaire d'État du ministère de la Défense de Vichy, le général Eugène Bridoux. Les diplomates de Vichy avaient envoyé une note de protestation formelle avec un compte-rendu précis des événements du 10 juin. La réponse allemande déclarait donc que les hommes du village étaient morts au cours d'un combat initié par les villageois, et que les femmes et les enfants qui s'étaient réfugiés dans l'église étaient morts dans l'explosion d'un dépôt de munitions clandestin qui se trouvait à proximité, provoquant l'incendie du bâtiment.

Pour dissiper l'indignation populaire grandissante et pour tenter d'empêcher le gouvernement de Vichy de rejoindre le camp des Alliés, le commandant en chef du front de l'Ouest de l'Armée allemande ordonna une enquête criminelle sur le massacre. Les SS relevant d'une autorité différente de celle de l'Armée allemande, c'est le juge SS Detlef Okrent qui mena des investigations, au cours desquelles il s'appuyait essentiellement sur le témoignage du capitaine SS Otto Kahn. En janvier 1945, Okrent suspendit la procédure en concluant que les « enjeux militaires justifiaient les représailles ».

L'APRÈS-GUERRE

Après la guerre, le massacre d'Oradour-sur-Glane suscita également beaucoup d'intérêt. En 1946, le gouvernement français classa le site Monument historique et ordonna sa conservation. L'équipe française du Tribunal militaire international de Nuremberg présenta des documents relatifs à la tuerie la même année.

La question de savoir pourquoi Diekmann et ses supérieurs avaient choisi Oradour-sur-Glane et qui leur avait donné l'ordre d'abattre les habitants reste controversée. Ni le Tribunal militaire international ni les autorités françaises lors du procès à Bordeaux en 1953 n'apportèrent de preuve concluante permettant de lier Oradour-sur-Glane à la résistance française ou de déterminer qui avait ordonné le massacre. Lorsqu'en 1981 les autorités de la République démocratique allemande poursuivirent Heinz Barth, un sous-officier ayant participé au massacre d'Oradour-sur-Glane, elles ne parvinrent pas non plus à obtenir une réponse convaincante à ces questions.

Les preuves présentées lors des procès et des investigations ouest-allemandes concernant les officiers de Das Reich inspirèrent des théories quant aux raisons pour lesquelles les SS avaient choisi Oradour-sur-Glane. L'explication qui revient le plus souvent est que Lammerding et Diekmann avaient reçu des renseignements du major SS Karl Gerlach (que les insurgés avaient kidnappé mais qui s'était échappé) selon lesquels les villageois aidaient la Résistance. D'après une théorie similaire, des collaborateurs français avaient fait croire aux Allemands, peut-être de manière délibérée, que les insurgés français détenaient à Oradour-sur-Glane un autre officier allemand kidnappé, le commandant SS Helmut Kämpfe, et qu'ils avaient l'intention de le tuer. Cette explication repose sur de maigres indices et une logique bancale, car rien n'indique que les Allemands soient venus rechercher Kämpfe à Oradour-sur-Glane. Les soldats de Das Reich n'ont d'ailleurs pas continué leurs recherches après le massacre, que ce soit à Oradour-sur-Glane ou ailleurs. En outre, les survivants ont déclaré que l'un des officiers allemands, par la suite identifié comme étant Otto Kahn, n'avait jamais mentionné le nom de Kämpfe, mais avait informé les villageois qu'ils allaient fouiller les maisons à la recherche d'armes et de munitions.

Les autres explications s'avèrent encore moins convaincantes. Rien n'indique que les Allemands aient jamais reçu des renseignements selon lesquels Oradour hébergeait les quartiers généraux d'insurgés, comme l'avait prétendu après la guerre le commandant SS Otto Weidigner, un officier de Das Reich qui n'avait pas participé au massacre. Les archives militaires allemandes ne contiennent aucune information sur une attaque des insurgés contre les troupes allemandes près d'Oradour. Un extrait du journal de guerre du commandant militaire en France daté du 14 juin a engendré la théorie que les troupes de la 2e Panzerdivision de la Waffen-SS avaient confondu Oradour-sur-Glane avec Oradour-sur-Vayres, un village à environ 25 kilomètres au sud-est. Cette théorie est compromise par l'absence de toute référence à une attaque contre les Allemands près d'Oradour-sur-Vayres à cette période.

Malgré toute l'attention portée à cette tuerie, peu des SS responsables des événements ont été jugés. Diekmann tomba au combat trois semaines après le massacre. Les autorités allemandes refusèrent d'extrader Lammerding vers la France bien qu'il ait été reconnu coupable et condamné à mort par contumace par le tribunal de Bordeaux en 1953. Selon les avocats allemands, leur constitution empêchait l'extradition de citoyens allemands. Le bureau du procureur général à Francfort rouvrit l'affaire Lammerding en 1961, mais suspendit la procédure en 1964, faute de preuves suffisantes. Lammerding décéda en Allemagne de l'Ouest en 1971.

En 1953, un tribunal militaire français à Bordeaux poursuivit 21 anciens membres de la 2e division SS pour les crimes commis à Oradour-sur-Glane et à Tulle. Quatorze des inculpés étaient des Allemands d'Alsace. La cour condamna 20 des accusés ; deux autres furent condamnés à mort, et le reste à des peines de prison allant de 5 à 20 ans. Toutefois, des amnisties et des grâces entraînèrent la libération de tous les condamnés, y compris les deux condamnés à mort, dans les cinq ans suivant le procès.

En 1981, les autorités de la République démocratique allemande arrêtèrent et poursuivirent Heinz Barth, l'ancien sergent SS et commandant de peloton dont les soldats avaient fusillé les hommes à Oradour-sur-Glane. Une cour de Berlin-Est condamna Barth à la prison à vie. Relâché en 1997, il décéda en 2007 à l'âge de 86 ans.