Charles E. Coughlin (1891-1979) est né le 25 octobre 1891 à Hamilton (Ontario) au Canada. Diplômé en 1911 de l'Université de Toronto, il fréquenta ensuite le Séminaire de Saint-Basile à Toronto, puis fut ordonné prêtre catholique en 1916.

FORMATION ET OPINIONS

Ses opinions de prêtre furent influencées par les doctrines catholiques conservatrices militantes de la fin du XVIIIème siècle et par la congrégation de Saint-Basile (à laquelle il appartenait), fondée en France au début du XIXème. A l'origine, les basiliens étudiaient la doctrine de l'Eglise médiévale, et l'inscrivaient dans leur opposition farouche aux évolutions économiques et sociales de leur époque. Selon eux, l'Eglise devait revenir à ses racines théologiques en rétablissant notamment l'interdiction de l'usure qui était, pour beaucoup de basiliens, à l'origine des maux de la société moderne.

Ces idées se combineraient avec l'antisémitisme dans toutes les émissions radiffusées de Coughlin. Dans une émission de 1930, Coughlin attribua ainsi les problèmes économiques de l'époque aux usuriers : "Nous avons vécu pour voir le jour où les Shylocks modernes se sont enrichis et ont grossi, loués et déifiés, car ils ont perpétué le crime ancien de l'usure grâce au racket moderne des hommes d'Etat". Coughlin quitta l'ordre de Saint-Basile en 1918 et devint prêtre dans le diocèse de Détroit.

De 1916 à 1923, Coughlin enseigna à l'Université de l'Assomption à Sandwich (aujourd'hui Windsor) dans la province de l'Ontario, au Canada. Après une rencontre fortuite avec l'évêque du diocèse de Détroit, Michael Gallagher, il eut la possibilité de créer une nouvelle paroisse à Royal Oak, dans le Michigan — le sanctuaire de la Petite Fleur — où il officia les quarante années suivantes.

Coughlin prononça sa première allocation radiophonique en octobre 1926. Si initialement ses émissions enseignaient le catéchisme aux enfants, elles se transformèrent vite en services religieux à connotations politiques. A l'époque du krach boursier de 1929, Coughlin, qui avait gagné la réputation d'être le porte-parole des gens ordinaires, était écouté par un large et fidèle auditoire. En 1930, il lança une croisade contre le communisme, motivée par sa crainte, partagée par d'autres, qu'une influence communiste se répandait à travers les Etats-Unis.

COUGHLIN ET FRANKLIN D.ROOSEVELT

Devenu citoyen américain alors qu'il était à Détroit, Coughlin fut dès le début un ardent partisan de Franklin D. Roosevelt. Pour lui, seul Roosevelt pouvait à la fois sortir le pays de la Dépression et le protéger contre la menace communiste qu'il percevait. Coughlin chercha par son émission de radio — l'Heure du Pouvoir — à convaincre ses auditeurs de voter pour Roosevelt aux elections présidentielles de 1932. Mais Roosevelt se méfiait de lui et ne cherchait son soutien que pour aider à son election.

Une fois élu président, Roosevelt parut ignorer sa contribution à son élection et éloigna peu à peu son administration de son populisme fruste. Roosevelt réussit cependant à amadouer Coughlin en lui faisant surestimer son importance pour l'administration, et continua de l'utiliser pour obtenir des soutiens à sa politique du New Deal. Comme il l'avait fait pendant l'élection, Coughlin utilisa son emission pour défendre la nouvelle politique économique et attaquer ses opposants. Cependant, quant il se rendit compte qu'il ne jouerait pas de rôle clé auprès du président, Coughlin se sentit trahi, essaya en vain de se faire remarquer du Président puis se retourna contre lui. A partir de la fin 1935, il utilisa son emission pour attaquer à la fois le Président et le New Deal.

Tout au long des années 30, Coughlin fut un des l'un des hommes les plus influents des Etats-Unis. Un bureau de poste fut contruit à Royal Oak uniquement pour traiter les lettres qu'il recevait chaque semaine (soit 80 000 en moyenne). Ses émissions radiophoniques hebdomadaires étaient suivies par des dizaines de millions d'auditeurs, préfigurant les “talk shows” radio modernes et le télévangélisme.

L'UNION NATIONALE POUR LA JUSTICE SOCIALE

En 1935, Coughlin créa l'Union nationale pour la justice sociale (NUSJ), un groupe d'action politique qui représentait les intérêts de ses auditeurs à Washington. Lors de l'élection présidentielle de 1936, NUSJ comptait plus d'un million d'adhérents cotisants.

En 1936, Coughlin fonda le journal Social Justice, ce qui lui procura un nouveau media au service de son idéologie populiste. La NUSJ adopta 16 principes comme lignes directrices pour son programme pour les Etats-Unis. Il s'agissait notamment des suivants :

Liberté de conscience et d'éducation

Nationalisation des ressources jugées trop importantes pour être détenues par des particuliers

Abolition de la Réserve fédérale

Rendre au Congrès le droit de frapper et de réguler l'argent.

Droit des travailleurs à se syndiquer

Réquisition de la richesse et conscription des hommes en temps de guerre

Principe du primat des droits de l'homme sur les droits de propriété.

Coughlin était précurseur en soutenant à la fois des idées associées à la gauche (comme une action au niveau fédéral pour soutenir le dollar) et à la droite (avec une politique étrangère fondée sur le principe "l'Amérique d'abord").

ANTISEMITISME

Pendant des années, Coughlin n'exposa pas son antisémitisme à l'antenne. Mais après sa rupture avec Roosevelt, la montée du national-socialisme et le fascisme en Europe, il s'en prit explicitement aux Juifs dans ses émissions. Pour certains historiens, Coughlin profita et instrumentalisa la montée mondiale de l'antisémitisme pour continuer à susciter de l'intérêt. Cependant ses discours, ses écrits, et ses relations font apparaître de réels sentiments antisémites tout au long de sa carrière.

Pendant des années, Coughlin avait publiquement ridiculisé les "banquiers internationaux", une expression qui désignait, pour la plupart de ses auditeurs, les banquiers juifs. Dans les jours et les semaines qui suivirent la Nuit de Cristal, Coughlin défendit les violences du régime nazi en les présentant comme des représailles aux persécutions commises par les juifs contre les chrétiens. Il expliqua à ses auditeurs, le 20 novembre 1938, que "le gouvernement communiste de Russie", "les Lénines et les Trotskys... les juifs et les païens athées" avaient tué plus de 20 millions de chrétiens et avaient volé "40 milliards de dollars… de biens chrétiens".

Dans une série d'articles publiés dans Social Justice en 1938, Coughlin fustigea les financiers " juifs" et leur mainmise sur la politique mondiale, allant jusqu'à publier, sous forme de séries, le Protocole des Sages de Sion, un faux notoire du XXe siècle qui se présente comme le compte rendu d'une conférence de dirigeants juifs complotant pour prendre le contrôle du monde.

VIRAGE VERS L'EXTREME DROITE

Alors que la guerre approchait, Coughlin se rapprocha de plus en plus de l'extrême droite. Il considérait qu'une dictature fasciste et un gouvernement autoritaire étaient les seuls remèdes aux maux de la démocratie et du capitalisme. Il s'associa avec des dirigeants fascistes et des penseurs antisémites connus en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, comme :

le constructeur automobile américain Henry Ford

Dennis Fahey, professeur au Holy Ghost Missionary College de Dublin en Irlande et de l'Action Française, le mouvement fasciste français qui visait à instaurer en France un régime anti-moderne, autoritaire et antisémite

Sir Oswald Mosley, le fondateur de l'Union britannique des fascistes

Hilaire Belloc, romancier, poète et polémiste anglo-français dont le livre Les Juifs désigne ces derniers comme un groupe racial à part qui ne pourrait jamais s'assimiler en Europe

et Ezra Pound, un poète américain ouvertement antisémite qui développa une admiration pour le dictateur italien fasciste Benito Mussolini.

LE FRONT CHRETIEN

Dans une émission de 1938, Coughlin aida à susciter et faire connaître la création du Front chrétien, une sorte de milice qui excluait les Juifs et promettait de défendre le pays contre les communistes et les Juifs.

Le Front organisa des rassemblements sur le thème "acheter chrétien" à travers le pays. A New York, la police arrêta plusieurs miliciens pour avoir harcelé des Juifs dans la rue, dont nombre de personnes âgées, de femmes et d'enfants. Dans un contexte de violence verbale grandissante, le Front chrétien fit parler de lui à l'échelle nationale en 1940 lorsque le FBI arrêta, dans le quartier de Brooklyn à New York, 18 de ses membres soupçonnés d'organiser un complot en vue de renverser le gouvernement. Ses membres continuèrent de faire les gros titres au cours des années 40 pour des actes de violence contre les Juifs.

ISOLATIONNISME

Isolationniste depuis le début de sa carrière, Coughlin avait accusé les Juifs d'être les incitateurs des troubles en Europe. Il s'opposa vigoureusement à toute intervention américaine. Après l'attaque de Pearl Harbor par la marine japonaise et les forces aériennes le 7 décembre 1941, Coughlin dénonca l'entrée de son pays dans la Seconde guerre mondiale, affirmant que les Juifs avaient planifié la guerre pour leur propre bénéfice et avaient comploté pour y impliquer les Etats-Unis.

Cette dernière missive causa sa perte, cependant, car le gouvernement américain surveillait Coughlin avant même Pearl Harbor. En septembre 1941, sa demande de passeport avait été refusée par le Département d'Etat avec le motif suivant : "signalé comme pro-nazi".

Les commentaires de Coughlin après Pearl Harbor ainsi que le changement de l'opinion publique après l'entrée en guerre, fournirent une occasion au gouvernement. En 1942, les agent du FBI perquisitionnèrent l'église de Coughlin et saisirent tous les registres de la paroisse et ses papiers personnels. Pendant l'enquête, le procureur général américain Francis Biddle affirma que Social Justice, le magazine de Coughlin avait "répété à l'intérieur de ce pays les arguments de la guerre de propagande engagée contre le pays depuis l'étranger"

Alors que les autorités américaines autorisèrent Coughlin à continuer de publier son magazine, il lui interdit d'utiliser le service postal américain pour le diffuser. Le 1er mai 1942, le nouvel archevêque de Detroit, Mgr Edward Mooney, demanda à Coughlin de cesser toutes ses activités non pastorales sous peine d'être défroqué.

LA RETRAITE DE COUGHLIN ET SA MORT

Coughlin continua de contrôler le sanctuaire de la Petite Fleur jusqu'à sa retraite en 1966. Il mourut le 27 octobre 1979 d'une insuffisance cardiaque.