La rafle du Vél' d'Hiv'
La rafle du Vél' d'Hiv' (Vélodrome d'Hiver) représente la plus importante vague de déportation de Juifs au cours de la Shoah. Elle se déroula les 16 et 17 juillet 1942.
Points de repère
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Pour préserver l'illusion d'une force de police française indépendante de l'occupant allemand, c'est cette même police qui procède à l'arrestation massive d'environ 13 000 hommes, femmes et enfants juifs.
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Pour éviter une révolte populaire le jour de la fête nationale, la rafle, initialement prévue du 13 au 15 juillet fut déplacée au 16-17.
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La majorité des personnes arrêtées furent déportées à Auschwitz.
Contexte
Après la capitulation française devant les forces allemandes en juin 1940, le régime de Vichy (officiellement nommé l'« État français ») mit fin à la IIIe République. Philippe Pétain, héros de la Première Guerre mondiale, à sa tête, le nouveau gouvernement collabora activement avec le régime nazi. Il facilita la déportation des Juifs non seulement dans la zone nord, occupée par les forces allemandes, mais aussi dans la zone libre, au sud, qui ne fut occupée qu'après l'invasion de l'Afrique du Nord, en novembre 1942.
Après la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, les autorités allemandes commencèrent à préparer la déportation des Juifs de France et d'autres pays d'Europe de l'Ouest. Un premier convoi de plus de 1000 d'entre eux quitta Compiègne en direction d'Auschwitz le 27 mars 1942. Le 29, les Allemands publièrent une ordonnance, avec effet le 7 juin, obligeant les Juifs de France occupée à porter l'étoile jaune.
Ayant obtenu un accord avec le gouvernement de Vichy, les fonctionnaires allemands et la police française organisèrent des rafles tout au long de l'été 1942 dans toute la France, zones occupée et non occupée. Le Vél' d'Hiv' fit ainsi partie d'une opération dite « Vent printanier », déployée dans tout le pays dès le printemps.
Préparatifs de la rafle
C'est le secrétaire général de la police nationale française René Bousquet qui organisa la rafle du Vél' d'Hiv', avec le commissaire aux affaires juives du régime de Vichy Louis Darquier de Pellepoix, le SS-Hauptsturmführer Theodor Dannecker, responsable de la Judenreferat [section juive] d'Adolf Eichmann en France, et du SS-Obersturmführer Helmut Knochen, chef de la police de sécurité allemande en France.
Pour assurer la participation de la police française aux rafles, les fonctionnaires nazis acceptèrent de ne viser que les Juifs étrangers et apatrides, épargnant ainsi, pour un temps, la déportation des Juifs français.
Trois jours avant les faits, Émile Hennequin, directeur de la police municipale de Paris, fit part de ce qu'il attendait de la rafle à la préfecture. Celle-ci devait d'abord se dérouler du 13 au 15 juillet, incluant la fête nationale. Le jour férié n'était pas célébré en zone occupée, et les fonctionnaires nazis, pour éviter une révolte populaire, acceptèrent de remettre l'opération aux 16 et 17 juillet.
Pour les Allemands, le but consistait en une rafle de 28 000 Juifs étrangers et apatrides dans Paris et sa banlieue, mise en place par la police française. Les cas « sensibles », comme les Britanniques ou les Américains, devaient être exemptés. Les autorités allemandes avaient d'abord accepté de ne pas emmener les enfants de moins de 16 ans, mais le Premier ministre français Pierre Laval suggéra que, pour des raisons « humanitaires », ceux-ci soient arrêtés avec leurs parents, sauf si un membre de la famille non concerné par la rafle pouvait s'occuper d'eux. Les arrestations touchèrent 4000 enfants à Paris.
Pour enregistrer précisément les chiffres de la rafle, les policiers devaient signaler à leur préfecture le nombre de personnes arrêtées une fois par heure.
Les 16 et 17 juillet
Tôt le matin du 16, la police française rassembla des milliers de personnes dans tout Paris. À la fin de la journée, ce sont 2573 hommes, 5165 femmes et 3625 enfants que la police avait tirés de leurs foyers. La rafle continua le lendemain, avec cependant moins d'arrestations. Au total, environ 6000 personnes furent emmenées et immédiatement transportées à Drancy, un camp de transit dans la banlieue nord de Paris. Les autres détenus furent parqués dans le 15e arrondissement de Paris, au Vélodrome d'Hiver, un stade couvert dédié aux courses cyclistes.
Le lieu aurait dû susciter des doutes quant à sa capacité d'accueillir une telle foule pour un temps indéterminé. Avec l'arrivée de la guerre en 1939, il avait servi à l'internement d'Allemands, notamment des réfugiés. En 1940, il avait hébergé des femmes d'origine étrangère. Dans les deux cas, les conditions de vie avaient été déplorables.
Après les déportations dans Paris et sa banlieue, environ 7000 Juifs, dont près de 4000 enfants, furent entassés dans le vélodrome. Les détenus pouvaient à peine trouver la place de s'allonger et leur situation était effroyable, aucune disposition n'ayant été prise quant à la nourriture, l'eau, ou les sanitaires. Deux médecins seulement avaient l'autorisation de traiter les internés. De plus, la verrière du stade générait une chaleur étouffante le jour, sans aucune ventilation — les conduits d'aération avaient été bloqués pour éviter toute fuite — et des températures froides la nuit.
Après la rafle
Les Juifs incarcérés au Vél' d'Hiv' y furent gardés cinq jours, avant d'être transférés dans des camps de transit autour de Paris. À Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, hommes, femmes et enfants restèrent sous la surveillance de la police française jusqu'à l'arrivée des convois qui les emmenèrent vers l'est, en camps de concentration et en centre de mise à mort. À la fin de juillet, les adultes encore sur place furent séparés de leurs enfants et emmenés à Auschwitz. Trois mille enfants, seuls parmi des inconnus, attendirent la déportation à leur tour, vers Auschwitz également.
Les autorités allemandes poursuivirent les déportations depuis le sol français jusqu'en août 1944. En tout, ce sont environ 77 000 Juifs qui périrent en camp de concentration et en centre de mise à mort, la majorité d'entre eux à Auschwitz.
Les procès d'après-guerre
Pour le rôle important qu'il avait joué pendant les déportations des Juifs de France, Pierre Laval, ancien Premier ministre, fut arrêté, jugé et condamné à mort à la Libération. Il fut fusillé le 15 octobre 1945.
Ce qui arriva aux deux officiers allemands les plus impliqués dans la rafle du Vél' d'Hiv' reflète le sort des administrateurs SS haut placés : Theodor Dannecker fut arrêté par des fonctionnaires américains à Bad Tölz, en Bavière, en décembre 1945. Il se suicida pendant son incarcération. Quant à Helmut Knochen, condamné à 21 ans d'emprisonnement par une cour britannique dans le cadre d'une autre infraction, il fut condamné à mort par la France en 1954. La sentence fut commuée en prison à vie, puis il fut libéré en novembre 1962 sur l'ordre du président Charles de Gaulle.
En 1949, René Bousquet, secrétaire général de la police française, fut déclaré coupable pour son rôle au sein du gouvernement de Vichy. Sa sentence fut immédiatement commuée pour sa participation « de façon active et soutenue à la résistance contre l'occupant ». En 1991, à Paris, la justice l'inculpa pour sa participation à la déportation des Juifs de France. Le 8 juin 1993, Christian Didier, un individu mentalement déséquilibré, assassina René Bousquet à son domicile parisien avant la tenue du procès.
Reconnaissance du rôle de la police et de l'État
Le 16 juillet 1995, pendant la commémoration du 53e anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv', le président de la République Jacques Chirac reconnut le rôle que l'État et la police avaient joué dans la persécution des Juifs et des autres victimes de l'occupation allemande. « La France, déclara-t-il, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. »