Contexte

C'est en 1941 que le commandement militaire allemand en France occupée mit en place le camp d'internement de Vittel, station thermale vosgienne près de la frontière allemande.

Les camps en France, 1942

La principale activité du camp était de recevoir les citoyens britanniques et américains résidant en France. Puis, la SS y envoya aussi les prisonniers juifs venus de l'étranger et qui serviraient de monnaie d'échange contre des Allemands internés hors de France. La plupart des détenus juifs furent déportés à Auschwitz où ils furent assassinés en 1944.

Un camp d'internement modèle

Après leur victoire sur la France en juin 1940, les Allemands internèrent les civils britanniques y résidant dans des camps pour prisonniers de guerre où les conditions de vie étaient lamentables. Peut-être en réaction aux menaces des Anglais d'envoyer des prisonniers allemands dans le nord du Canada, ils ouvrirent un camp d'internement à Vittel. Les premiers détenus — 2060 femmes, enfants, et vieillards britanniques — y arrivèrent le 1er mai 1941. Ils furent rejoints par des civils américains en 1942. La population maximum du camp était d'environ 3000 individus.

Le Interniertenlager (Ilag ou camp d'internement) de Vittel faisait partie du complexe du camp pour prisonniers de guerre dit Frontstalag 194, commandé par le capitaine Otto Landhauser, de l'armée allemande. Les conditions de vie y étaient cependant très différentes des autres camps : des hôtels et un vaste parc étaient entourés de fil barbelé et constamment surveillé par une patrouille armée.

Les prisonniers faisaient leur propre cuisine, avaient le chauffage et l'eau courante. Ils pouvaient envoyer et recevoir du courrier, accueillir des visiteurs et compléter leurs maigres rations grâce à des paquets de la Croix-Rouge, dont ils pouvaient échanger certains articles avec les habitants de la ville. Ils ne participaient pas à des travaux forcés et pouvaient organiser des cours et des conférences. Le camp était doté de courts de tennis, d'une bibliothèque, d'un hôpital et de commerces. On passait des films en fin de semaine, et on jouait des pièces de théâtre.

Les Allemands publièrent des photos et des reportages sur Vittel pour mettre en valeur les bonnes conditions de vie dans leurs camps.

Les otages juifs de Vittel

Les Allemands espéraient échanger les citoyens de pays ennemis internés dans des camps allemands contre des concitoyens internés à l'étranger. En plus de ceux qui étaient détenus dans le Commonwealth, des milliers d'autres furent faits prisonniers en 1942 après l'entrée en guerre américaine et quand une bonne partie de l'Amérique latine cessa toutes relations avec les puissances de l'Axe.

Parce que le nombre d'Allemands internés dépassait largement le nombre d'ennemis non-juifs sous contrôle allemand, l'Office des affaires étrangères proposa à la SS d'exempter de la « solution finale » les Juifs citoyens d'États ennemis et de les mettre à part en vue d'un éventuel échange. Le chef SS Heinrich Himmler reconnaissait que des Juifs ayant des liens importants avec ces pays constitueraient une précieuse monnaie d'échange contre des concitoyens ou contre des devises étrangères dont ils avaient bien besoin.

Quelques jours seulement avant les déportations du ghetto de Varsovie en juillet 1942, les autorités allemandes convoquèrent des résidents étrangers pour un échange éventuel et les transférèrent à la prison de Pawiak. Ces mesures entraînèrent des tentatives désespérées d'acquérir des papiers d'autres nationalités qui pourraient sauver d'autres Juifs. Des centaines d'entre eux obtinrent des courriers de consulats latino-américains en Suisse leur promettant la naturalisation. Les Allemands virent qu'ils n'étaient probablement pas valables, mais décidèrent de les accepter pendant un temps, leurs propriétaires pouvant s'ajouter aux personnes à échanger.

Un convoi d'environ 200 Juifs arriva à Vittel depuis la Pologne en janvier 1943, suivi de 60 autres en mai. La plupart d'entre eux étaient en possession de papiers montrant leur citoyenneté d'un pays latino-américain, ou un courrier qui la garantissait. Puis d'autres Juifs munis de pièces d'identité d'États ennemis se présentèrent, venus de l'Europe de l'ouest occupée. Ils furent séparés des internés non-juifs, mais bénéficiaient de conditions de vie semblables, soit bien meilleures que ce qu'ils avaient vécu jusqu'ici.

Quand les États latino-américains se montrèrent peu enclins à négocier des échanges ou à délivrer les papiers promis par les consulats, les autorités allemandes cessèrent d'accepter ces papiers. En septembre 1943, une commission spéciale arriva à Vittel pour contrôler les documents latino-américains prétendument officiels des internés. Alertées par des prisonniers, des organisations juives et humanitaires tentèrent (notamment en faisant intervenir le Vatican) de persuader ces pays d'accorder les papiers promis.

Ceci fut enfin accepté le 31 mai 1944, trop tard pour quelque 250 détenus juifs à Vittel, envoyés et gazés à Auschwitz quelques jours plus tôt. Parmi eux se trouvaient le célèbre poète, dramaturge et enseignant Itzhak Katzenelson, emmené à Vittel depuis Varsovie en mai 1943. Il y avait écrit le poème « Chant du peuple juif assassiné », retrouvé après la libération du camp là où il l'avait enterré.

Quelques Juifs internés purent être échangés auprès des États-Unis et de la Grande-Bretagne en 1944. Parmi les Américains se trouvait Mary Berg, dont le journal devint le premier récit d'un témoin direct du ghetto de Varsovie et des déportations vers Treblinka que les lecteurs du monde anglophone aient pu découvrir avant la fin de la guerre.

La libération

Les Forces françaises libres libérèrent le camp de Vittel le 12 septembre 1944. On estime à 300 le nombre de Juifs internés à Vittel qui n'ont pas survécu, la plupart ayant été tués à Auschwitz.