Ravensbrück
Le camp de concentration de Ravensbrück était le plus grand camp pour femmes du Reich, et le deuxième plus grand dans le système concentrationnaire en général, après Auschwitz-Birkenau. Quand celui de Lichtenburg a fermé, en 1939, il était le seul camp (à distinguer des sous-camps) exclusivement réservé aux femmes.
Les Allemands commencèrent la construction du camp en novembre 1938 à proximité du village de Ravensbrück, dans le nord de l’Allemagne, à environ 80 km au nord de Berlin. En avril 1941, un plus petit camp pour hommes y fut ajouté.
Pour construire Ravensbrück, les SS transportèrent 500 hommes depuis le camp de Sachsenhausen. Les premières prisonnières, environ 900, y arrivèrent en mai 1939, transférées depuis Lichtenburg en Saxe. À la fin de l'année 1942, le camp en comptait 10 000, et en janvier 1945, ce sont 50 000 détenus, essentiellement des femmes, qui y étaient enfermées.
La population du camp provenait d'une trentaine de pays, dont une majorité de Pologne (36%), et les autres d'Union soviétique (21%), du Reich allemand (18%, Autriche incluse), de Hongrie (8%), de France (6%), de Tchécoslovaquie (3%), du Benelux (2%), et de Yougoslavie (2%).
Les autorités SS internèrent divers types de prisonniers à Ravensbrück : des prisonniers politiques, des « asociaux » (notamment des Tsiganes et des Sinti), des Juifs, des Témoins de Jéhovah, des « criminels », des « fainéants », ou des accusés d'êtres « souilleurs de races ». Pour chaque groupe, le nombre de détenus changea constamment au cours de la vie du camp.
La direction du camp se divisait en cinq départements : le bureau du commandant, le département politique, le camp de « détention préventive », l'administration, et le cabinet du médecin. Le Colonel SS Günther Tamaschke exerça la fonction de commandant de Ravensbrück de décembre 1938 jusqu'au 30 avril 1939, puis fut remplacé par le Capitaine SS Mac Keogel le 1er janvier 1940. Le 20 août 1942, le Capitaine SS Fritz Suhren occupa le poste, et ce jusqu'à la fin, en avril 1945.
Outre les administrateurs nazis hommes, le personnel du camp comprenait plus de 150 gardiennes affectées à la surveillance. Elles ne faisaient pas partie de la SS en soi, mais occupaient le poste d'« employées femmes civiles de la SS » (weiblichen SS-Gefolges). À partir de 1942, Ravensbrück fut également utilisé comme leur principal camp d’entraînement.
La partie principale du camp contenait 18 casernes, dont deux servaient d'infirmerie pour les détenus, deux autres d'entrepôt, un de bloc pénitentiaire, et un de prison, jusqu'en 1939, quand une prison séparée fut construite. Dans les 12 autres casernes se trouvaient les lits superposés à trois niveaux où dormaient les détenus, ainsi que des toilettes, mais les conditions sanitaires étaient mauvaises, et ne cessèrent de s'aggraver après 1943. Les rations de nourritures étaient misérables dès le départ, mais après 1941, elles diminuèrent en quantité et en qualité. En janvier 1945, le nombre de détenus par caserne se trouvait à son plus haut. Cette surpopulation, doublée d'une mauvaise hygiène, entraîna une épidémie de typhus qui se répandit dans tout le camp.
Les autorités SS soumettaient régulièrement les prisonniers à des « sélections » au cours desquelles les détenues blessées ou considérées comme trop faibles pour travailler étaient isolées puis tuées. Au début, les prisonnières « sélectionnées » étaient abattues sur place. Puis à partir de 1942, dans le cadre de l'« opération 14f13 », elles furent transférées au sanatorium de Bernberg, dans lequel avait été aménagée une chambre à gaz et qui avait servi de centre de mise à mort pour les personnes handicapées physiques et mentales au cours du programme nazi dit d'« euthanasie ». Au printemps 1942, ce sont environ 1600 femmes et 300 hommes qui furent envoyés à la mort à Bernberg. La moitié d'entre eux étaient juifs, au moins 25 étaient Sinti et Tsigane, et au moins 13 étaient Témoins de Jéhovah.
Plus tard en 1942, et jusqu'en 1944, une seconde phase de meurtres par « euthanasie » eut lieu dans les centres de mise à mort, notamment celui de Hartheim, à côté de Linz, en Autriche, où environ 6 convois arrivèrent de Ravensbrück, transportant entre 60 et 1000 prisonniers chacun. À Ravensbrück même, le personnel SS utilisa l'infirmerie pour tuer des prisonniers par injection. D'autres étaient envoyés au centre de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau. Début 1945, Les SS construisirent une chambre à gaz près du crématorium de Ravensbrück. Entre 5000 et 6000 personnes y furent assassinées avant l'arrivée des troupes soviétiques en avril 1945.
À partir de l’été 1942, les médecins SS soumirent les prisonnières de Ravensbrück à des expériences médicales contraires à toute morale. Ils testèrent des traitements contre les blessures avec diverses substances chimiques (telles que le sulfanilamide) pour prévenir les infections, ainsi que des méthodes de fixation et de transplantation des os. Il fallait parfois pratiquer des amputations. Pour ces expériences, les SS sélectionnèrent près de 80 femmes, la plupart Polonaises. Beaucoup en moururent, et la plupart des survivantes souffrirent de lésions irréversibles. Les médecins SS procédèrent également à des tests de stérilisation sur des femmes et des enfants, dont de nombreux Tsiganes, dans le but de mettre au point une méthode efficace.
En 1942, les SS mirent en place des maisons closes dans quelques camps de concentration. Il s'agissait d'y exploiter des femmes afin de récompenser les prisonniers qui remplissaient les quotas de production, ou bien qui les dépassaient. La plupart des femmes forcées à travailler dans ces établissements étaient des prisonnières du camp de Ravensbrück. On estime qu'il y en avait une centaine. D'autres choisirent d'y travailler quand la direction du camp promit un traitement préférentiel ou une libération après six mois à celles qui se « porteraient volontaires ». Aucune ne fut relâchée.
LES SOUS-CAMPS DE RAVENSBRÜCK
Les SS soumettaient les détenues de Ravensbrück au travail forcé, principalement dans des projets agricoles ou dans l’industrie locale. Jusqu'en 1944, l’Allemagne s’appuyait de plus en plus sur le travail forcé pour la production d’armement. Ravensbrück devint le centre administratif d’un réseau de plus de 40 sous-camps, avec près de 70 000 détenus, pour l’essentiel des femmes.
Ces sous-camps, dont beaucoup étaient installés à côté de fabriques d’armes, étaient répartis à travers toute la « Grande Allemagne », de l’Autriche, au sud, jusqu'à la mer Baltique, au nord. Par ailleurs, certains camps fournissaient des prisonniers pour le travail sur des chantiers ou pour déblayer les décombres dans les villes détruites par les attaques aériennes alliées. Les SS construisirent également des usines près de Ravensbrück pour la production de textile et de composants électriques.
Parmi les sous-camps les plus importants, avec plus de 1000 prisonniers, on compte Rechlin/Retzow, Malchow, Grüneberg, Neubrandenburg, Karlshagen I, Barth, Leipzig-Schönefeld, Magdebourg, Altenburg et Neustadt-Glewe.
LA LIBÉRATION DE RAVENSBRÜCK
En janvier 1945, Ravensbrück et ses sous-camps détenaient plus de 45 000 prisonnières et plus de 5000 prisonniers. Début mars, les SS procédèrent à l'« évacuation » du camp et transportèrent 2100 prisonniers à Sachsenhausen. À la fin du mois, ce sont 5600 prisonnières qui furent emmenées dans les camps de concentration de Mauthausen et Bergen-Belsen.
Fin avril, les SS forcèrent plus de 20 000 prisonnières et presque tous les hommes encore sur place à se rendre à pied vers le nord du Mecklembourg. Des troupes soviétiques croisèrent leur route et libérèrent les prisonniers. Le 29 avril, les gardes du camp prirent la fuite, et le lendemain, l'avant-garde russe arriva. Le 1er mai, ce fut le tour des unités régulières, qui libérèrent les derniers prisonniers vivants.
Peu après l'évacuation, les Allemands remirent plusieurs centaines de prisonnières, essentiellement des Françaises, aux représentants des Croix rouges suédoise et danoise. Lorsque les troupes soviétiques libérèrent Ravensbrück, les 29 et 30 avril 1945, ils y trouvèrent plus de 2000 hommes, femmes et enfants malades et affaiblis.
Entre 1939 et 1945, plus de 130 000 prisonnières passèrent par le réseau de camps de Ravensbrück. Entre 20 000 et 30 000 y périrent.