Les camps de concentration (Konzentrationslager, abrégé par KL ou KZ) faisaient partie intégrante du régime allemand nazi entre 1933 et 1945.

Le terme désignait un camp où des gens étaient détenus ou enfermés dans des conditions souvent pénibles et sans aucun respect pour les normes juridiques d'arrestation et d'emprisonnement d'une démocratie constitutionnelle.

Les premiers camps de concentration en Allemagne

Beaucoup des tout premiers camps de concentration étaient improvisés.

Les premiers camps de concentration en Allemagne furent créés peu après la nomination d'Hitler au poste de chancelier en janvier 1933. Dans les semaines après l'arrivée au pouvoir des Nazis, la SA (Sturmabteilung ou Section d'assaut), la SS (Schutzstaffel, escadron de protection, garde d'élite du parti nazi), la police et les autorités civiles locales mirent en place de nombreux camps de détention pour incarcérer les opposants, réels ou supposés, à la politique nazie.

Dans toute l'Allemagne, les autorités allemandes établirent des camps au fur et à mesure des multiples arrestations d'opposants politiques présumés. La SS mit en place de vastes camps à Oranienburg (au nord de Berlin), à Esterwegen près de Hambourg, à Dachau au nord-ouest de Munich, et à Lichtenburg en Saxe. À Berlin même, on détenait des prisonniers faisant l'objet d'enquêtes de la Gestapo, la police d'État secrète allemande, dans les locaux de la Columbia-Haus, en service jusqu'en 1936.

La centralisation du système concentrationnaire

L'officier SS Theodor Eicke visite le camp de Lichtenburg

Lorsque la SS s'affranchit de la tutelle de la SA en juillet 1934, après l'élimination d'Ernst Röhm lors de la Nuit des longs couteaux, Hitler autorisa le dirigeant des SS, Heinrich Himmler, à centraliser et organiser l'administration des camps de concentration. Celui-ci chargea le lieutenant général SS Theodor Eicke, commandant du camp de concentration SS de Dachau depuis juin 1933, de cette mission, lui attribuant le titre d'Inspecteur des camps de concentration, une nouvelle section de la SS dépendant du Bureau principal.

Après décembre 1934, la SS devint le seul organe autorisé à créer et à gérer les centres, qui prirent officiellement le nom de camps de concentration — ce qui n'empêcha pas certaines autorités civiles locales de continuer à ouvrir des camps de détention et de travail forcé dans toute l'Allemagne. En 1937, il ne restait que quatre camps de concentration : Dachau à côté de Munich, Sachsenhausen près de Berlin, Buchenwald près de Weimar ainsi que le camp de femmes de Lichtenburg près de Mersebourg en Saxe.

Les objectifs du système concentrationnaire

On compare souvent les camps de concentration aux prisons d'une société moderne, ce qui est inexact, car ils ne dépendaient d'aucune entité judiciaire. Pour les Nazis, trois objectifs les justifiaient :

  • L'incarcération de personnes perçues comme une menace pour la sécurité du régime (incarcération sans durée prédéfinie).
  • L'élimination physique d'individus et de petits groupes en dehors de tout contrôle public ou judiciaire.
  • L'exploitation de la population carcérale pour des travaux forcés, en raison de la pénurie de main-d'œuvre.

L'administration des camps de concentration

Les camps de concentration nazis, 1933-1939

En tant que commandant de Dachau en 1933, Eicke avait déjà établi une organisation et des procédures pour gérer et faire surveiller le camp. Il avait publié un règlement sur les missions des gardiens et sur le traitement des prisonniers. Ce sont l'organisation, la structure et les pratiques mises au point à Dachau en 1933-1934 qui servirent de modèle au nouveau système concentrationnaire nazi. Parmi les premiers « élèves » d'Eicke à Dachau se trouvait Rudolf Höss, qui, plus tard, prit le commandement du camp de concentration d'Auschwitz.

D'abord chargées de garder les camps de concentration SS, des « unités politiques en alerte » (Politische Bereitschaften) furent renommées « unités de garde » (SS-Wachverbände) en 1935, puis « unités à tête de mort » (SS-Totenkopfverbände) en avril 1936. À chaque camp fut affectée l'une d'entre elles. Après 1936, le personnel qui administrait les camps, commandant inclus, en faisait également partie.

Si la représentation d'une tête de mort (crâne et os) figurait sur toutes les casquettes SS, seules les SS-Totenkopfverbände étaient autorisées à la porter à la boutonnière. Après la création d'une division « Tête de mort » de la Waffen SS en 1940, leurs officiers, recrutés au sein du service des camps de concentration, arborèrent également le symbole sur l'uniforme.

Dans chaque camp, l'unité était divisée en deux groupes. Le premier comprenait le personnel, constitué des membres suivants :

  • Le commandant et son équipe
  • Un policier de la Sûreté et son assistant, chargés de tenir à jour les dossiers des prisonniers
  • Le commandant du camp dit de « détention protectrice » (Schutzhaftlagerführer), qui abritait les prisonniers, et son équipe (dont les agents chargés de l'affectation du travail et de l'appel, ainsi que le Blockführer, responsable des baraquements des prisonniers)
  • Un personnel administratif chargé de l'administration fiscale et de l'approvisionnement du camp
  • Une infirmerie gérée par un médecin SS assisté d'un ou deux agents SS d'hygiène et/ou des infirmières.

Le second groupe constituait le détachement de gardes (SS-Wachbataillon), qui avant 1939 avait la taille d'un bataillon. 

Le modèle ainsi créé par Eicke au milieu des années 1930 caractérisa le système concentrationnaire jusqu'à la chute du régime nazi au printemps 1945. La routine quotidienne à Dachau, les méthodes de répression et les tâches du personnel SS et des gardiens devinrent la norme, avec quelques variantes, dans tous les camps de concentration allemands. 

L'habilitation à incarcérer

Les SS et la police nazie préparent une descente dans les bureaux de la communauté juive à Vienne.

Après 1938, seule la police de sécurité allemande (composée de la Gestapo et de la police criminelle) était officiellement habilitée à incarcérer des personnes dans les camps de concentration.

Ce droit existait de facto depuis 1936. Le motif « légal » d'incarcération était soit l'ordre de détention protectrice (Schutzhaft), que la Gestapo pouvait délivrer depuis 1933 pour des personnes considérées comme présentant un danger politique, soit l'ordre de détention préventive donné par la Police criminelle (Vorbeugungshaft), en vigueur depuis décembre 1937 pour des récidivistes ou des personnes qui, d'après le régime, avaient un comportement « asocial ». Aucun de ces ordres ne faisait l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un examen par un organisme extérieur à la police de sécurité allemande.

L'extension du système concentrationnaire

Entre 1938 et 1939, avec les nouvelles conquêtes territoriales de l'Allemagne nazie et l'augmentation du nombre d'individus considérés comme opposants politiques et asociaux, de nouveaux camps de concentration furent nécessaires.

En septembre 1939, quand l'invasion de la Pologne déclencha la Seconde Guerre mondiale, il existait six camps de concentration sur le territoire dit du Grand Reich allemand : Dachau (fondé en 1933), Sachsenhausen (1936), Buchenwald (1937), Flossenbürg (1938) dans le nord-est de la Bavière près de la frontière tchèque de 1937, Mauthausen (1938) près de Linz en Autriche, et le camp de femmes de Ravensbrück (1939) établi dans la province de Brandebourg au sud-est de Berlin, après la dissolution de Lichtenburg. 

Le travail forcé

Travaux forcés dans la carrière du camp de concentration de Mauthausen.

Dès 1934, les commandants des camps de concentration déployèrent des prisonniers comme travailleurs forcés pour des projets SS, notamment des chantiers de construction ou d'agrandissement des camps mêmes. Entre 1934 et 1938, le réservoir de main-d'œuvre constitué par les travailleurs forcés incarcérés dans les camps ne cessa d'alimenter les divers projets de développement des dirigeants SS. Pour mobiliser et financer de telles entreprises, Himmler réorganisa et agrandit les locaux administratifs de la SS, puis créa un nouveau bureau pour les opérations commerciales. C'est le Général major SS Oswald Pohl qui dirigea l'ensemble, avant de prendre la tête de l'Inspection des camps de concentration en 1942. 

Après 1937, les considérations économiques commencèrent à avoir un impact croissant sur la sélection des sites des camps de concentration, ce qui devint plus systématique après le début de la guerre. Par exemple, Mauthausen et Flossenbürg furent placés à proximité de grandes carrières de pierre. De même, les prisonniers, chargés de tâches éreintantes et inutiles furent de plus en plus affectés par les autorités des camps à des travaux de rendement, non moins épuisants et dangereux, dans les industries d'extraction (carrières de pierre, mais aussi mines de charbon) et le travail de construction.

Les camps de concentration après le début de la Seconde Guerre mondiale

Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale par l'Allemagne nazie en septembre 1939, les conquêtes territoriales allemandes et l'augmentation importante du nombre de prisonniers potentiels se traduisirent par l'extension rapide du système concentrationnaire vers l'est. Si les camps n'en demeurèrent pas moins des lieux de détention pour les ennemis politiques, le climat d'urgence nationale suscité par le conflit permit à la SS d'étendre leurs fonctions. 

Les camps de concentration devinrent de plus en plus des sites où les autorités SS pouvaient tuer des groupes ciblés d'ennemis réels ou supposés de l'Allemagne nazie. Ils en vinrent également à servir de centres de rétention pour un réservoir rapidement croissant de main-d'œuvre forcée déployée sur des projets de construction SS, des sites industriels d'extraction commissionnés par la SS, et à partir de 1942, dans la production de matériel miliaire, d'armes et de biens liés à l'effort de guerre allemand. 

La Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste

Malgré le besoin de main-d'œuvre forcée, les autorités SS continuèrent délibérément à sous-alimenter et maltraiter les prisonniers incarcérés dans les camps de concentration, à les affecter à des travaux forcés sans tenir compte de leur sécurité, générant des taux de mortalité particulièrement élevés.