Au début de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939, environ 1,6 million d'enfants juifs vivaient dans les territoires que les forces allemandes et leurs alliés allaient occuper. À la fin du conflit européen en mai 1945, plus d'un million, voire peut-être jusqu'à 1,5 million d'entre eux, victimes visées par un programme de génocide bien calculé, avaient péri.

Comme l'écrivit l'historien du ghetto Emanuel Ringelblum en 1942 :

« Même dans les temps les plus barbares, une étincelle luisait dans les cœurs les plus durs, et les enfants étaient épargnés. Tout autre est la Bête hitlérienne. Elle dévore ceux qui nous sont le plus chers, ceux qui sont le plus dignes de pitié – nos enfants innocents. » (version française de Léon Poliakov, Paris : R. Laffont, 1993)

La libération de la tyrannie nazie ne marqua pas la fin des souffrances pour les quelques enfants juifs qui survécurent à la Shoah. Nombre d'entre eux devaient affronter un avenir sans parents, grands-parents, frères et sœurs.

Les persécutions

Les persécutions des Juifs par les Nazis commencèrent en Allemagne en 1933. En 1939, cette population avait été méthodiquement privée de ses droits civiques et de ses biens puis ostracisée. Des conquêtes allemandes en Europe après 1939 découla une politique antisémite sur l'ensemble des territoires occupés. Bien qu'à des rythmes différents et plus ou moins violemment, les Juifs furent marqués, diffamés, et séparés de leurs voisins.

À l'est du continent, les Nazis tendaient à isoler les Juifs dans des ghettos, souvent mis en place dans les zones les plus désolées des villes. À l'ouest, ce sont les camps d'internement, dont beaucoup avaient auparavant servis d'hébergement à des réfugiés et des étrangers ennemis, qui faisaient office de centres de détention pour les Juifs. Une telle politique d'isolation s'avéra utile quand les Nazis commencèrent les exécutions de masse et les déportations vers les centres de mise à mort.

La mort

Hitler prit la décision en 1941 de mettre en œuvre le meurtre systématique des Juifs. En juin, les Einsatzgruppen suivirent l'armée allemande en Union soviétique et assassinèrent près d'un million d'hommes, femmes et enfants juifs avant la fin de l'année. En décembre, le centre de mise à mort de Chelmno déclencha l'opération. Tout au long de 1942, les Nazis établirent quatre centres supplémentaires pour procéder au gazage des Juifs d'Europe.

Tous les Juifs étaient destinés à mourir, mais le taux de décès des enfants fut particulièrement élevé. Pas plus de 6 à 11 % des jeunes juifs de l'Europe d'avant-guerre survécurent, par rapport à 33 % des adultes. En général, ils n'étaient pas sélectionnés pour les travaux forcés. D'autre part, les Nazis lançaient fréquemment des « opérations enfants » afin de réduire le nombre de « bouches inutiles » dans les ghettos. Dans les camps, les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes étaient régulièrement envoyés en chambre à gaz dès leur arrivée.

La libération

Après la défaite de l'Allemagne nazie, le monde découvrit le bilan humain ahurissant de la Shoah. Peu d'enfants juifs s'en étaient sortis. Dans les centres de mise à mort et les camps de concentration de toute l'Europe, le meurtre systématique, la maltraitance, la maladie et les expériences médicales coûtèrent de nombreuses vies. On estime à 216 000 le nombre de jeunes juifs déportés à Auschwitz ; seulement 6700 adolescents furent sélectionnés pour le travail forcé et presque tous les autres jeunes furent gazés sur-le-champ. Quand le camp fut libéré le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques ne trouvèrent que 451 enfants parmi les 9000 prisonniers survivants.

J'avais 17 ans. J'étais libre, mais ce que cela signifiait, je n'en étais pas sûr.
George Salton

Peu après la libération, des agences juives dans toute l'Europe se mirent à chercher les survivants et à mesurer les pertes de la communauté. Dans la région Pays-Bas/Belgique/Luxembourg, 9000 enfants juifs auraient survécu. En Pologne, il y en avait près d'un million en 1939, dont seulement 5000 environ réchappèrent à la guerre. La plupart devaient leur vie à la clandestinité.