Gare ferroviaire près du camp d’extermination de Treblinka.

D'abord établi comme camp de travail forcé, Treblinka devint l'un des trois centres de mise à mort mis en place dans le cadre de l'Opération Reinhard (également appelée Aktion Reinhard ou Einsatz Reinhard).

En novembre 1941, sous les auspices de la SS et la police du district de Varsovie, dans le gouvernement général, fut créé un camp de travail forcé pour les Juifs appelé Treblinka, puis Treblinka I. Les lieux servaient également de camp de « formation au travail » pour les Polonais non juifs qui avaient violé, aux yeux des Allemands, la discipline du travail. Ces deux catégories de détenus se trouvaient dans des unités séparées et étaient, pour la majorité, affectées à une carrière voisine.

En juillet 1942, les autorités de l'Opération Reinhard terminèrent la construction d'un centre de mise à mort, nommé Treblinka II. Prévu pour l'extermination des Juifs de Varsovie, Treblinka II se situait dans le district de Varsovie du gouvernement général. Cependant, parce qu'il faisait partie de l'Opération Reinhard, c'est Odilo Globocnik, chef de la SS et de la police du district de Lublin, qui en avait la gestion.

Quand Treblinka II se mit en marche, les deux autres centres de mise à mort de l'Opération Reinhard, Belzec et Sobibor, étaient déjà en action.

Position et topographie de Treblinka II

Mis en place pendant l'occupation allemande de la Pologne au cours de la Seconde Guerre mondiale, le camp de travail et centre de mise à mort de Treblinka se situait dans le district de Varsovie, au sein du gouvernement général (Generalgouvernement).

Le camp de travail, Treblinka I, fut construit autour d'une carrière active avant la guerre, à environ 6 kilomètres de la gare du village. Si la zone était peu peuplée, on y trouvait néanmoins un important embranchement ferroviaire dans la bourgade de Malkinia Gorna, un peu plus fréquentée. Située à mi-chemin des 160 kilomètres de voie ferrée séparant Varsovie de Bialystok, sa position en faisait un point de jonction avantageux entre les districts du Generalgouvernement et ces deux villes, et offrait un accès facile à Lublin, Radom et Bialystok.

C'est dans cette région isolée que les artisans de l'Opération Reinhard choisirent le site du centre de mise à mort de Treblinka. Treblinka II se trouvait à moins de deux kilomètres du camp de travail près du village de Wolka Okraglik, le long d'une autre voie ferrée reliant Malkinia et Siedlce. Les Allemands apportèrent quelques améliorations au réseau ferroviaire entre ces points grâce à des embranchements joignant le camp de travail et le centre de mise à mort tout en gardant l'accès à Malkinia.

Formant un trapèze de 400 sur 600 mètres (l'équivalent de presque 34 terrains de football), le site du centre de mise à mort était densément boisé et à l'abri des regards. Des branchages entrelacés dans la clôture de fils barbelés et des arbres plantés autour servaient à le camoufler. Des miradors de 8 mètres de hauteur étaient placés sur le périmètre et aux quatre coins.

Le centre de mise à mort se divisait en trois sections : la réception, les habitations, et la zone d'extermination. C'est dans la deuxième que se trouvaient les logements du personnel allemand et des gardes, ainsi que des bureaux, une clinique, des entrepôts et des ateliers. Une partie comprenait également les baraquements des prisonniers juifs sélectionnés parmi les nouveaux arrivants pour fournir la main-d'œuvre nécessaire à la fonction du camp : l'extermination de masse.

Les déportations vers Treblinka

Les principales déportations vers Treblinka, 1942-1943

Les victimes de Treblinka provenaient essentiellement des ghettos situés dans les districts de Varsovie et Radom, dans le Generalgouvernement. Entre la fin juillet et septembre 1942, les Allemands déportèrent près de 265 000 Juifs depuis le premier, puis, d'août à novembre, 346 000 depuis le deuxième. Depuis le district de Bialystok (en Pologne occupée, administrativement rattachée à la Prusse orientale allemande), plus de 110 000 Juifs connurent le même sort entre octobre 1942 et février 1943. Enfin, des convois en transportant au moins 33 300 autres vinrent du district de Lublin.

La SS et la police allemande déportèrent également des Juifs des zones occupées par la Bulgarie, à Thrace et en Macédoine, ainsi que 8 000 Juifs de Theresienstadt, dans le protectorat de Bohême-Moravie, vers Treblinka II. D'autres petits groupes dont on ignore le nombre provenant d'Allemagne, d'Autriche, de France et de Slovaquie y furent tués, après un passage par divers lieux de transit du Generalgouvernement, ainsi que des Tsiganes et des Polonais, on ne sait combien exactement non plus.

Les déportations vers Treblinka se poursuivirent jusqu'au printemps 1943, les plus notables étant celles des quelque 7000 Juifs transportés du ghetto de Varsovie, liquidé après le soulèvement. Quelques convois isolés arrivèrent après le mois de mai.

Le personnel de Treblinka I et II

La direction du centre de mise à mort Treblinka II se composait d'un petit nombre de SS allemands et de fonctionnaires de police, entre 25 et 35 hommes. Comme les autres centres de l'Opération Reinhard, la majorité des employés allemands faisaient partie du programme d'« euthanasie » Aktion T4.

Le premier commandant de Treblinka II était le Dr Irmfried Eberl, un médecin qui avait gazé des patients en sa qualité de directeur médical aux centres d'« euthanasie » de Bradenburg et de Bernburg. Sa mauvaise gestion du camp entraîna son renvoi le 26 août 1942, six semaines seulement après son arrivée. C'est Franz Stangl, transféré du centre de mise à mort de Sobibor, qui le remplaça. Cet ancien agent de la police criminelle (Kripo) avait été directeur administratif adjoint aux centres de mise à mort et d'« euthanasie » de Hartheim et de Bernburg. Après la révolte des prisonniers de Treblinka le 23 août 1943, un troisième commandant lui succéda, Kurt Franz, un ancien cuisinier dans les centres d'« euthanasie » de Hartheim, Brandenburg, Grafeneck et Sonnenstein ainsi qu'au centre de mise à mort de Belzec. Il assura ses fonctions à Treblinka II jusqu'à la liquidation du site en novembre 1943.

À Treblinka I, le camp de travail, le capitaine SS Theodor van Eupen fut affecté au poste de commandant de 1941 à 1944. Contrairement à Treblinka II, où la fonction dépendait des autorités de l'Opération Reinhard et de l'Aktion T4, celle de Treblinka I était directement rattachée à la SS et à la police de Varsovie. Placée sous la coupe des autorités allemandes se trouvait également une unité de gardes auxiliaires comprenant 90 à 150 hommes, anciens prisonniers de guerre soviétiques de diverses nationalités ou civils ukrainiens sélectionnés ou recrutés pour le poste. Tous étaient formés au camp de Trawniki, spécialement aménagé par la SS et la police de Lublin.

Le meurtre de masse

Abraham Bomba décrit le passage dans les chambres à gaz de Treblinka

Des convois de 50 ou 60 wagons s'arrêtaient d'abord en gare de Malkinia. Par groupe de 20, ils étaient ensuite dirigés vers le centre de mise à mort. Les gardes ordonnaient aux victimes de se rendre dans la zone de réception où se trouvaient la voie de garage et le quai, ainsi qu'un bâtiment ressemblant trait pour trait à une petite station normale avec son horloge en bois, ses faux panneaux et horaires de trains.

Les SS et les policiers allemands annonçaient aux victimes qu'elles étaient arrivées dans un camp de transit et devaient remettre tout objet de valeur. La zone de réception disposait également d'une « place de la déportation », un endroit clôturé comportant deux baraquements dans lesquels les déportés —hommes d'un côté, femmes et enfants de l'autre —devaient se déshabiller. C'est aussi là que se trouvaient de vastes entrepôts où étaient stockées les affaires des prisonniers à trier et envoyer en Allemagne via Lublin.

Dans la zone d'extermination, un passage couvert et camouflé appelé le « boyau » (Schlauch en allemand) menait de la zone de réception aux chambres à gaz, dans la zone d'extermination, qu'un panneau mensonger annonçait comme étant des douches. Les victimes, nues, devaient s'y rendre en courant. Une fois les portes hermétiquement verrouillées, un énorme moteur diesel installé à l'extérieur diffusait du monoxyde de carbone, tuant tous les prisonniers.

Les Sonderkommandos à Treblinka II

Des membres du Sonderkommando (détachement spécial), un groupe de détenus juifs temporairement épargnés, travaillaient dans la zone d'extermination. Ils retiraient les corps des chambres à gaz et, dans un premier temps, les enterraient dans des fosses communes. Puis, au mois d'octobre 1942, le personnel du camp ordonna d'exhumer les cadavres pour les brûler sur des « fours » à ciel ouvert construits à l'aide de rails. Cette tâche revenait au Sonderkommando 1005, chargé de déterrer et détruire toute preuve de meurtre de masse dans les territoires de l'Est occupés par l'Allemagne. Régulièrement, le personnel allemand et les gardes formés à Trawniki abattaient les membres de ces détachements de travailleurs juifs et les remplaçaient par un autre groupe dans de nouveaux convois.

D'autres détenus sélectionnés pour les Sonderkommandos qui travaillaient dans la zone d'administration-réception étaient chargés de recevoir les prisonniers à la descente des trains, de leur déshabillage, de la collecte des objets de valeur et du passage forcé dans le « boyau » qui les menait à la mort. Ils triaient ensuite les affaires des personnes exterminées pour préparer leur envoi vers l'Allemagne et ils étaient affectés au nettoyage des wagons pour les déportations suivantes. On annonçait aux individus malades ou trop faibles pour atteindre les chambres à gaz seuls qu'ils allaient être soignés. Des membres du Sonderkommando les emmenaient dans une zone camouflée qui ressemblait à un petit hôpital, croix rouge à l'appui. C'est là que le caporal SS Willi Mentz, qui avait préalablement effectué des tâches agricoles dans les centres d'« euthanasie » de Grafeneck et Hadamar, exécutait les victimes au-dessus d'une fosse commune.

Résistance et révolte à Treblinka

Trois des participants au soulèvement de Treblinka qui s’échappèrent et survécurent à la guerre.

Les détenus juifs créèrent un mouvement de résistance à Treblinka au début de l'année 1943. Quand les opérations du camp furent presque terminées, ils craignirent de voir le site démantelé et d'être tués. Aussi, à la fin du printemps et à l'été 1943, les responsables de la résistance choisirent la révolte. Le 2 août, les prisonniers s'emparèrent discrètement d'armes dans l'armurerie, mais furent découverts avant de pouvoir prendre le contrôle du camp. Des centaines d'entre eux se précipitèrent vers la porte principale pour tenter de fuir. Beaucoup furent abattus à la mitrailleuse. Plus de 300 parvinrent à s'échapper, mais deux tiers d'entre eux furent repris et fusillés par les SS, la police allemande et les unités militaires. Sur ordre d'Odilo Globocnik, chef de la SS et de la police à Lublin, les SS et les policiers allemands firent démanteler le site par les survivants, puis les exécutèrent une fois la tâche accomplie.

La fin des camps de Treblinka

Les Allemands ordonnèrent le démantèlement de Treblinka II à l'automne 1943.

De la fin juillet 1942 à septembre 1943, on estime à 925 000 le nombre de Juifs qu'ils y exterminèrent, ainsi qu'un nombre indéterminé de Polonais, de Tsiganes et de prisonniers de guerre soviétiques. Treblinka I, le camp de travail forcé, continua de fonctionner jusqu'à la fin juillet 1944. Pendant que le centre de mise à mort était en activité, des Juifs étaient sélectionnés parmi les nouveaux arrivants et transférés vers Treblinka I. Ceux jugés trop faibles pour y travailler étaient régulièrement renvoyés à Treblinka II et éliminés.

À la fin du mois de juillet 1944, alors que les troupes soviétiques approchaient, les autorités du camp et les gardes formés à Trawniki fusillèrent les prisonniers juifs restants, soit entre 300 et 700, puis se hâtèrent de démanteler et d'évacuer le site. Après avoir démoli toute trace du camp, on planta des lupins et on installa un agriculteur allemand ethnique pour camoufler ce qui s'était réellement passé sur les lieux.

Les Soviétiques envahirent le camp de travail et le centre de mise à mort au cours de la dernière semaine de juillet 1944.