Points de repère :

Réfugiés d’Allemagne nazie embarquant sur le “Saint Louis” en route pour Cuba.

  • De 1933 à l'automne 1941, l'Allemagne nazie mena une politique agressive forçant les Juifs du Reich à partir.
  • Plus de 340 000 Juifs émigrèrent d’Allemagne et d’Autriche. Environ 100 000 d'entre eux fuirent vers d'autres pays européens puis furent assassinés pendant l'Holocauste.
  • Les réfugiés durent affronter d'énormes obstacles dans leur recherche d'un abri sûr au cours de la Dépression et de la guerre.

Entre l'arrivée au pouvoir du parti nazi en 1933 et la reddition allemande en 1945, plus de 340 000 Juifs quittèrent l’Allemagne et l’Autriche. Malheureusement, près de 100 000 d'entre eux trouvèrent refuge dans des pays qui furent ensuite conquis par l'Allemagne. La majorité fut déportée et tuée.

Après l'annexion de l'Autriche en mars 1938, et surtout après les pogroms de la Nuit de cristal (9-10 novembre), l'Europe occidentale et le continent américain commencèrent à craindre un afflux important d'émigrés. Si environ 85 000 réfugiés juifs (sur 120 000 émigrants) purent se rendre aux États-Unis entre mars 1938 et septembre 1939, le nombre de visas d'entrée accordés restait bien inférieur à la demande. À la fin de 1938, 125 000 personnes se présentèrent au consulat américain dans l'espoir d'obtenir l'un des 27 000 visas accordés selon les lois alors en vigueur. L'année suivante, le nombre de demandeurs atteignait 300 000, dont la plupart virent leur requête rejetée. À la conférence d'Evian de juillet 1938, la République dominicaine fut le seul pays à envisager l'accueil d'un nombre important de réfugiés, tandis que la Bolivie se porta volontaire pour en accepter 30 000 entre 1938 et 1941.

En mai-juin 1939, les États-Unis refusèrent l'entrée de plus de 900 Juifs réfugiés venus de Hambourg (Allemagne) à bord du Saint-Louis. L'événement fut fortement médiatisé. Le navire avait apparu au large des côtes de Floride, après avoir été rejeté de Cuba, où les autorités avaient annulé les visas de transit des passagers. Ceux-ci attendaient de recevoir les papiers pour entrer aux États-Unis, ce qui leur fut refusé aussi, et ils durent repartir d'où ils étaient venus, en Europe. Les gouvernements français, néerlandais et belge acceptèrent d'en accueillir au titre de réfugiés : des 908 personnes à bord, on sait que 254 périrent pendant l'Holocauste (près de 28%) ; 288 trouvèrent refuge en Grande-Bretagne ; et au moins 366 des 620 passagers débarqués sur le continent survécurent à la guerre, soit un peu plus de 59%.

Au cours des années 1930, plus de 60 000 Juifs allemands émigrèrent en Palestine en vertu de l’« accord Haavara », accord de transfert entre l'Allemagne et les autorités juives en Palestine visant à faciliter le déplacement des Juifs d'Allemagne. Le principal obstacle auquel ceux-ci durent faire face restait la législation allemande, qui interdisait l'exportation de devises étrangères. L'accord détaillait un processus de répartition des biens juifs, avec le transfert d'une partie des capitaux en Palestine par le biais de produits allemands destinés à l'export.

Réfugiés juifs allemands débarquant dans le port de Shanghai, l’un des rares endroits n’exigeant pas de visa.

Cependant, en mai 1939, avec l’adoption par le Parlement britannique d'un Livre blanc, de sévères restrictions à l’immigration juive vers la Palestine furent imposées. Au fur et à mesure que le nombre de pays disposés à les recevoir diminuait, des dizaines de milliers de Juifs allemands, autrichiens et polonais émigrèrent à Shanghai, où ils n'avaient pas besoin de visa. La concession internationale, de fait occupée par les Japonais, en admit 17 000.

Après l'été 1941, alors même que les rumeurs concernant le meurtre de masse perpétré par les Nazis se répandaient à l’Ouest, le département d’État américain, inquiet pour la sécurité nationale, imposa des limites encore plus strictes à l’immigration. Malgré les restrictions britanniques, un nombre limité de Juifs entra en Palestine pendant la guerre, une immigration qualifiée d'« illégale » (Aliyah Bet). En 1938-1939, la Grande-Bretagne elle-même réduisit son propre quota d’immigrants, et ce bien que le gouvernement britannique ait autorisé l’entrée de 10 000 enfants juifs dans le cadre d’un programme spécial dit Kindertransport (transport d’enfants). Lors de la conférence des Alliés aux Bermudes en 1943, aucune proposition concrète de secours ne résulta des débats.

La Suisse accueillit environ 30 000 Juifs, mais en refoula à peu près autant à ses frontières. Environ 100 000 purent atteindre la péninsule Ibérique. L’Espagne accepta un nombre limité de réfugiés, qu'elle s'empressa d'envoyer aussitôt vers le port de Lisbonne, au Portugal. De là, des milliers d’entre eux réussirent à s’embarquer pour les États-Unis en 1940-1941, laissant derrière eux des milliers d’autres qui ne purent obtenir de visas.

Après la guerre, des centaines de milliers de survivants trouvèrent refuge en tant que personnes déplacées dans des camps administrés par les Alliés en Allemagne, Autriche et Italie. Aux États-Unis, les restrictions à l’immigration étaient encore en vigueur, mais une directive du président Truman en 1945 permit de donner priorité à des personnes déplacées tout en respectant les quotas. Ainsi, 16 000 d'entre elles purent se rendre aux États-Unis.

Principaux camps de personnes déplacées pour les Juifs, 1945-1946

Jusqu'à la création de l'État d'Israël en mai 1948, l’immigration en Palestine (l'Aliyah) resta strictement restreinte. Des milliers de Juifs déplacés tentèrent de s'y rendre illégalement : entre 1945 et 1948, les autorités britanniques internèrent nombre de ces candidats à l'immigration dans des camps de détention à Chypre.

À partir de mai 1948, les réfugiés juifs commencèrent à affluer dans le nouvel État souverain. En quelques années, 140 000 survivants de l'Holocauste s'y installèrent. Les États-Unis laissèrent entrer 400 000 personnes déplacées entre 1945 et 1952, dont 96 000 Juifs (environ 24%).