Les Jeunesses hitlériennes
Le Parti nazi a essayé d’étendre son influence sur tous les aspects de la société allemande. Les Jeunesses hitlériennes et la Ligue des jeunes filles allemandes deviennent des groupes de jeunes conçus pour initier les enfants et les adolescents à l’idéologie et à la politique nazies. Ils préparent également les jeunes Allemands à la guerre.
Points de repère
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Au cours des années 1930, l’État nazi supprime tous les autres mouvements de jeunes en Allemagne.
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En 1939, plus de 82 % des jeunes de 10 à 18 ans appartiennent aux Jeunesses hitlériennes ou à son équivalent féminin, la Ligue des jeunes filles allemandes.
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Tandis que les filles préparent leur avenir d’épouse et de mère, les garçons participent à l’entraînement militaire. Au cours des derniers mois désespérés de la guerre, les garçons à peine adolescents sont amenés à servir dans la défense civile allemande et dans la milice défensive appelée Volkssturm (Garde nationale).
Les Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend ou HJ) représentent le mouvement de jeunesse organisé par les nazis. Il est composé de différentes sections pour les garçons — nommée simplement les Jeunesses hitlériennes — et pour les filles, pour qui est créée la Ligue des jeunes filles allemandes (Bund Deutscher Mädel, BDM).
À l'arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, le mouvement des Jeunesses hitlériennes compte environ 100 000 membres. À la fin de la même année, le nombre d’adhérents passe à plus de 2 millions (30 % des jeunes Allemands âgés de 10 à 18 ans). Au cours des années suivantes, le régime nazi encourage les jeunes gens, et fait pression sur eux, pour qu’ils rejoignent les organisations des Jeunesses hitlériennes. L’enthousiasme, l'émulation et la coercition conduisent à une augmentation significative du nombre de membres. En 1937, il a atteint 5,4 millions (65 % des jeunes de 10 à 18 ans), puis 7,2 millions (82 %) en 1940.
Fait notable, les Juifs ne sont pas autorisés à rejoindre ces organisations. Ils créent leurs propres groupes de jeunes en Allemagne dans les années 1930.
Les mouvements de jeunesse avant la prise de pouvoir par les nazis
Le scoutisme et les mouvements de jeunesse étaient populaires en Allemagne depuis la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Lorsque les nazis arrivent au pouvoir en 1933, il existe donc de nombreux groupes de jeunes, politiques, sociaux et religieux. Ils portent souvent l'uniforme des scouts.
L’un de ces mouvements est la Jeunesse hitlérienne, affiliée au Parti nazi. À l’origine un groupe de jeunes nazis pour garçons, il a été conçu sur le modèle de son homologue adulte et paramilitaire nazi appelé SA (Sturmabteilung). Les Jeunesses hitlériennes sont ainsi le deuxième plus ancien organe paramilitaire du Parti nazi.
L’organisation débute sous le nom de Ligue de la jeunesse du Parti nazi (Jugendbund der NSDAP) en mars 1922. Après la tentative des nazis de renverser le gouvernement allemand lors du Putsch de la brasserie en novembre 1923, celui-ci interdit temporairement les organisations nazies, incluant de fait la ligue des jeunes. Cependant, le groupe perdure secrètement, l'exemple le plus notable étant le Mouvement de la jeunesse de la Grande Allemagne (Großdeutscher Jugendbund), fondé en 1924. Après la levée de l’interdiction, l’organisation désormais officielle du Parti nazi prend le nom de Jeunesses hitlériennes, Ligue de la jeunesse ouvrière allemande (Hitler-Jugend, Bund deutscher Arbeiterjugend) en juillet 1926. Elle est officiellement incorporée à la SA.
Organiser la jeunesse nazie
Au début des années 1930, alors que le Parti nazi gagne en popularité, il cherche à accroître son influence et sa portée auprès de la jeunesse allemande. Les Jeunesses hitlériennes s'agrandissent pour inclure les filles. En 1931, l’organisation compte quatre sections réparties par sexe et par âge :
- La jeunesse allemande (Deutsches Jungvolk) pour les garçons de 10 à 14 ans
- L'Association des jeunes filles (Jungmädelbund) pour les filles de 10 à 14 ans
- La Ligue des jeunes filles allemandes (Bund Deutscher Mädel, ou BDM) pour les filles de 14 à 18 ans
- Les Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend) pour les garçons de 14 à 18 ans
Par la suite, les nazis créent également une section volontaire de la Ligue des jeunes filles allemandes pour les jeunes femmes de 17 à 21 ans, appelée Foi et Beauté (Glaube und Schönheit).
En 1931, Baldur von Schirach prend la direction de l’ensemble du mouvement des Jeunesses hitlériennes, composé de ses quatre branches. En 1940, il devient le chef (Gauleiter) du parti nazi de Vienne, mais il maintient un lien étroit avec le mouvement. Il est remplacé par Artur Axmann, 27 ans, un dirigeant de la Jeunesse hitlérienne.
La nazification de la jeunesse allemande
Le rôle des Jeunesses hitlériennes dans le régime nazi
À partir de 1933, les Jeunesses hitlériennes et la Ligue des jeunes filles allemandes jouent un rôle important dans le nouveau régime nazi. C'est par l’intermédiaire de ces organisations que celui-ci prévoit d’endoctriner les jeunes, dans le cadre du processus de nazification de la société allemande. Le but est de démanteler les structures et traditions sociales existantes. Il s'agit donc, pour les groupes de jeunes nazis, d’imposer le conformisme. Dans toute l’Allemagne, ils portent les mêmes uniformes, chantent les mêmes chants nazis, participent aux mêmes activités.
L’un des moyens utilisés est l’instrumentalisation du mouvement des Jeunesses hitlériennes pour dominer la vie de la jeunesse allemande. L’appartenance à l’organisation représente un engagement en temps important. Ses membres doivent assister à des réunions et des manifestations régulières qui perturbent d’autres priorités, comme l’église et l’école.
Ces obligations et cette exposition continue à l’idéologie nazie affaiblissent l’influence des parents, des enseignants, des personnalités religieuses et des autres figures d’autorité. En fait, les Jeunesses hitlériennes et la Ligue des jeunes filles allemandes encouragent même leurs membres à rapporter à leurs dirigeants ce qui se passe à l'école, à l'église et dans leurs familles.
Consolider le mouvement de jeunesse
L’État nazi veut que les Jeunesses hitlériennes soient responsables de toute la jeunesse allemande et considère les autres mouvements de jeunesse comme une concurrence. Aussi, en 1933, les groupes politiques de jeunes sont rapidement absorbés ou supprimés, même si d'autres, apolitiques et religieux, perdurent pendant une large part des années 1930. Ces manœuvres d’absorption et de dissolution font partie d’un processus à l’échelle de la société appelé Gleichschaltung, ou « mise au pas ».
En 1936, la loi concernant la jeunesse hitlérienne stipule : « Les Jeunesses hitlériennes englobent toute la jeunesse allemande sur le territoire du Reich. » Avec cette loi, le mouvement impose son autorité sur toutes les questions relatives à la jeunesse — autorité qui n'est cependant pas universellement respectée.
En mars 1939, un nouveau décret ordonne à toutes les personnes âgées de 10 à 18 ans de rejoindre les Jeunesses hitlériennes. C'est à partir de ce moment qu'elles deviennent le seul mouvement de jeunesse légal dans l’Allemagne nazie. Le régime menace de punir ceux qui ne s’y conforment pas.
Préparer les jeunes pour l’avenir
Le parti nazi considère la jeunesse comme le fondement d’un monde nouveau : elle est composée de futurs membres du parti, mères, et soldats. Les nazis la voient donc comme essentielle à la survie et à la santé de la Volksgemeinschaft (« la communauté du peuple »). Ils espèrent apprendre aux enfants à avoir une conscience raciale et une bonne forme physique afin de construire un nouvel avenir pour l’Allemagne. En tant que symbole de cet avenir, les Jeunesses hitlériennes sont souvent présentes aux défilés et aux rassemblements du parti nazi, notamment ceux de Nuremberg qui ont lieu chaque année. Le film de Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté, montre Hitler s'adressant aux membres des Jeunesses hitlériennes puis les saluant lors du rassemblement de Nuremberg en 1934.
Les Jeunesses hitlériennes
Les Jeunesses hitlériennes sont une organisation paramilitaire conçue pour entraîner les garçons à devenir des combattants et des soldats au service de la cause nazie. En tant qu’organisation officielle de l’État nazi, leur structure militaire se décline aux niveaux local, régional et national.
Les garçons pratiquent des exercices militaires et apprennent le maniement des armes. Ils travaillent également dans des fermes en été et participent à des épreuves sportives, notamment de boxe. Certains apprécient le défi physique, la compétition et la camaraderie. D’autres, en revanche, trouvent écrasante et aliénante la volonté constante de se préparer à la guerre et de se sacrifier pour la patrie.
La Ligue des jeunes filles allemandes
La Ligue des filles allemandes a pour but de préparer les jeunes filles à devenir épouses et mères. Elles participent également à des activités physiques comme la gymnastique. Les disciplines ont tendance à être collectives et synchronisées, plutôt que compétitives et individuelles, ces activités servant à démontrer l’intérêt de travailler ensemble. La Ligue forme les jeunes filles à s’occuper du foyer et de la famille. Elles acquièrent notamment les compétences qui feront d'elle de bonnes couturières, infirmières, cuisinières et ménagères.
Les jeunes dans l’opposition
L’État nazi tente de créer une culture homogène de la jeunesse par le biais de ses organisations des Jeunesses hitlériennes. Cependant, certains jeunes refusent d’y participer, qu'il s’agisse d’une déclaration politique ou religieuse, d'une opposition ancrée dans la rébellion adolescente, ou d’individualisme.
Particulièrement fréquents dans les grandes villes, des groupes illégaux de jeunes rejettent la culture des Jeunesses hitlériennes. Ils ont tendance à ne pas aimer le conformisme et la militarisation. En général, ils s'habillent différemment et participent à des activités sociales moins structurées. Nombre de ces mouvements clandestins s’adressent à la fois aux filles et aux garçons. Certains encouragent même des rôles de genre plus fluides que ne le permet la structure rigide des Jeunesses hitlériennes.
Ces groupes de jeunes informels et alternatifs prennent chacun leurs propres caractéristiques : les Leipzig Meuten sont un mouvement antinazi d’inspiration communiste, les Pirates d’Edelweiss, rudes et tumultueux, se battent parfois avec des membres des Jeunesses hitlériennes. Quant aux Swing Kids (un groupe de jeunes alternatif surtout présent à Hambourg), ils dansent le swing et écoutent du jazz, se font pousser les cheveux et s’habillent à l’américaine ou à la britannique.
Ces jeunes rebelles courent un risque réel d’être arrêtés par la Gestapo et emprisonnés dans des camps de concentration.
Mobiliser les jeunes pour la guerre
Au début du conflit en 1939, les jeunesses hitlériennes ont pu préparer toute une génération de jeunes gens à faire la guerre et à occuper des territoires étrangers. Ceux qui ont rejoint les Jeunesses hitlériennes au début de la décennie ont reçu une formation pratique et se voient inculquer les idées nazies. Ceux qui ont déjà dix-huit ans utilisent ces connaissances pour servir l’effort de guerre allemand. Ils travaillent comme soldats, policiers, secrétaires, infirmières et médecins.
La nouvelle génération de membres des Jeunesses hitlériennes est encore trop jeune pour rejoindre l’armée et d’autres organisations nazies. Mais eux aussi ont un rôle à jouer dans la guerre. Les Jeunesses hitlériennes et la Ligue des Filles allemandes participent aux activités de soutien liées au conflit, par exemple en organisant l’envoi de colis pour les troupes au front.
Des garçons et des filles plus âgés sont même déployés dans certains des territoires annexés par l’Allemagne avant la guerre et à son commencement. Pour les nazis, les populations ethniques allemandes vivant en dehors des frontières de l’Allemagne d’avant-guerre doivent être re-germanisées. Les Jeunesses hitlériennes enseignent donc la langue et les traditions culturelles allemandes à ces communautés.
La fin de la guerre
Lorsqu’il devient évident que l’Allemagne nazie est en train de perdre la guerre, le régime se heurte à un manque de main-d’œuvre. Les raids aériens alliés anéantissent une grande partie des villes allemandes, ce qui crée des problèmes logistiques et aggrave la pénurie de logements et d’approvisionnement. Lors des raids, le régime utilise des adolescents pour faire fonctionner les fusils anti-aériens. Par la suite, les jeunes viennent également assister les civils déplacés par les destructions grâce à diverses activités de secours. Par exemple, les filles travaillent dans les soupes populaires, aident ceux qui n'ont plus de toit et servent d’aides-infirmières.
En 1943, la Waffen-SS forme une division spéciale issue des Jeunesses hitlériennes composée de garçons nés en 1926 (qui ont donc 16 ou 17 ans). Elle est d’abord déployée en France où elle commet plusieurs massacres, comme celui des prisonniers de guerre canadiens à l’abbaye d’Ardenne, ou les représailles meurtrières contre les Français connues sous le nom de massacre d’Ascq. La jeune division combat également les troupes alliées lors de la bataille de Normandie en France et celle des Ardennes en Belgique.
Dans les derniers mois de la guerre, les hommes âgés de 16 à 60 ans sont incorporés à une nouvelle milice défensive appelée Volkssturm (littéralement, Assaut du peuple). Elle rejoint l’armée régulière lors des dernières batailles défensives contre les troupes alliées.
Mal équipés et insuffisamment formés, des milliers de jeunes prennent part au combat et meurent pour l’effort de guerre allemand alors même que la défaite est devenue inévitable.
Après la guerre
Comme le Parti nazi, les Jeunesses hitlériennes et la Ligue des jeunes filles allemandes sont mis hors la loi après la guerre. Il n'empêche que des millions d'enfants et d'adolescents ont passé les années déterminantes de leur vie au sein des Jeunesses hitlériennes. Ces organisations ont donc une énorme influence sur la société allemande du XXe siècle.
Notes
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Footnote reference1.
D'après Gerhard Rempel, Hitler’s Children : The Hitler Youth and the SS (Chapel Hill : University of North Carolina Press, 2015), p. 268.