Josef Mengele
Le médecin SS Josef Mengele mène des expériences médicales inhumaines, fréquemment mortelles, sur des prisonniers d’Auschwitz, ce qui fera de lui le scientifique nazi le plus notoire à avoir expérimenté sur des patients du camp. On le surnommera « l’ange de la mort ». Ceux qui se souviennent de lui mentionnent souvent sa présence sur la rampe de sélection à Auschwitz.
Points de repère
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1
Josef Mengele utilise la théorie raciale nazie pour justifier de nombreuses expériences sur des Juifs et des Tsiganes (Roms).
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Nombre des individus victimes des expériences à Auschwitz meurent des suites d’opérations. Dans certaines expériences, le décès est le résultat escompté.
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Après la guerre, Josef Mengele fuit en Amérique du Sud et échappe à la justice. Il meurt au Brésil en 1979.
Introduction
Josef Mengele fut l’une des figures les plus tristement célèbres de la Shoah. Son travail à Auschwitz et les expériences médicales qu’il y mena firent de lui un des auteurs les plus reconnus des crimes commis dans ce camp. Sa vie clandestine après la guerre symbolisera l’échec de la communauté internationale à traduire en justice les auteurs de crimes nazis.
Sa terrible réputation a fait de lui le sujet de nombreux best-sellers, films, et émissions télévisées. Cependant, ces représentations déforment souvent la réalité de ses crimes et le sortent de son contexte historique. Il arrive par exemple qu’il soit décrit comme un savant fou qui procédait à des expériences sadiques sans aucun fondement scientifique.
La vérité sur Josef Mengele est bien plus dérangeante. Médecin et chercheur hautement qualifié, vétéran de guerre décoré, il était respecté dans sa spécialité et travaillait pour l’une des plus grandes institutions de recherche d’Allemagne. À Auschwitz, il s’appuya beaucoup sur les travaux d’autres scientifiques allemands. Il était loin d’être le seul à mener des expériences biomédicales sur des prisonniers dans les camps de concentration nazis. De même, il n’était que l’un des professionnels de santé qui sélectionnaient les victimes à exécuter dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Ce qu’a fait Josef Mengele n’avait rien d’exceptionnel dans le cadre de la science allemande sous le régime nazi. Ses crimes montrent le danger extrême que représente la science lorsqu’elle est mise au service d’une idéologie qui nie les droits, la dignité, voire l’humanité de certains groupes d’individus.
Josef Mengele avant Auschwitz
Josef Mengele naquit le 16 mars 1911 dans la ville de Günzburg, en Bavière (Allemagne). Il était le fils aîné de Karl Mengele, un riche fabricant de matériel agricole.
Il étudia la médecine et l’anthropologie physique dans plusieurs établissements. En 1935, il obtint un doctorat en anthropologie physique à l’université de Munich. En 1936, il réussit ses examens médicaux d’État.
En 1937, il fut embauché à l’Institut de biologie héréditaire et d’hygiène raciale de Francfort (Allemagne). Il y occupait le poste d’assistant du directeur, le Dr Otmar von Verschuer. Généticien de premier plan, celui-ci était connu pour ses recherches sur les jumeaux. C’est sous sa direction que Mengele reçut un second doctorat en 1938.
Adoption de l’idéologie nazie
Josef Mengele ne soutint pas activement le parti nazi avant son arrivée au pouvoir. Mais en 1931, il rejoignit le Stahlhelm, organisation paramilitaire d’un autre parti de droite, le Parti national du peuple allemand. Il intégra la SA lorsqu’elle absorba le Stahlhelm en 1933, mais il n’en fut un membre actif que jusqu’en 1934.
Il n’en reste pas moins qu’au cours de ses études universitaires, Josef Mengele devint un adepte de la science raciale, la théorie erronée du racisme biologique. Ainsi, il était convaincu que les Allemands étaient biologiquement différents des membres des autres races et qu’ils leur étaient supérieurs. Hitler utilisa la science raciale, l’un des piliers de l’idéologie nazie, pour justifier la stérilisation forcée d’individus atteints de certaines difformités ou de maladies physiques ou mentales. Les lois raciales de Nuremberg, qui interdisaient les mariages entre Allemands et personnes juives, noires ou tsiganes (roms), se fondaient également sur cette théorie.
En 1938, il rejoignit le parti nazi et la SS. En tant que scientifique, il cherchait à soutenir l’objectif nazi de préservation et de renforcement de la prétendue « supériorité raciale » allemande. L’employeur et mentor de Josef Mengele, Otmar von Verschuer, était lui aussi un tenant du racisme biologique. En plus de mener leurs recherches, le professeur et son équipe, Josef Mengele compris, faisaient office d’expert auprès des autorités nazies. Il s’agissait par exemple de déterminer si des individus étaient considérés comme Allemands selon les lois de Nuremberg, ou bien d’évaluer des Allemands que la législation pouvait contraindre à être stérilisés ou à ne pas se marier en raison de leur santé physique ou mentale.
À l'armée sur le front de l’Est
En juin 1940, Josef Mengele fut appelé dans l’armée allemande (Wehrmacht). Un mois plus tard, il se porta volontaire auprès du service médical de la Waffen-SS (la branche militaire de la SS). Dans un premier temps, il travailla au Bureau pour la race et le peuplement (RuSHA) de la SS, dans la Pologne occupée par l’Allemagne. Il y évalua les critères et les méthodes utilisés par la SS pour déterminer si des individus revendiquant leur origine allemande étaient racialement et physiquement aptes à être qualifiés d’Allemands.
Vers la fin de l’année 1940, il fut affecté au bataillon du génie de la division SS « Wiking », en tant que médecin militaire. À partir de juin 1941 et pendant environ 18 mois, il participa à des combats extrêmement brutaux sur le front de l’Est. De plus, dans les premières semaines de l’attaque de l’Allemagne contre l’Union soviétique, sa division massacra des milliers de civils juifs. Pour son service sur le front de l’Est, il fut décoré de la croix de fer, 1re et 2e classe, et promu au rang de capitaine SS (SS-Hauptsturmführer).
Il revint en Allemagne en janvier 1943. Dans l’attente de sa prochaine affectation dans la Waffen-SS, il retourna travailler auprès de son mentor Otmar von Verschuer, qui avait récemment pris la direction de l’Institut Kaiser-Wilhelm d’anthropologie, d’hérédité humaine et d’eugénisme (KWI-A) à Berlin.
Affectation à Auschwitz
Le 30 mai 1943, la SS affecta Josef Mengele à Auschwitz, peut-être, d’après certaines preuves, à sa propre demande. Il y rejoignit les médecins d’Auschwitz-Birkenau, le plus grand camp d’Auschwitz, qui servait aussi de centre d’extermination pour les Juifs déportés de toute l’Europe. En plus de ses autres tâches, Mengele était responsable du Zigeunerlager, le camp de familles de Tsiganes de Birkenau. C’est là qu’à partir de 1943, près de 21 000 hommes, femmes et enfants tsiganes (ou roms, péjorativement appelés Zigeuner) étaient envoyés et internés. À sa fermeture le 2 août 1944, Mengele participa à la sélection des 2 893 prisonniers qui seraient assassinés dans les chambres à gaz de Birkenau. Peu après, il fut nommé médecin en chef d’Auschwitz-Birkenau, la partie du complexe concentrationnaire dite « Auschwitz II ». En novembre 1944, il fut affecté à l’hôpital de Birkenau pour la SS.
« L’ange de la mort » : la sélection des prisonniers à tuer
Dans le cadre de ses fonctions dans le camp, le personnel médical d’Auschwitz procédait à la « sélection ». Le but était d’identifier les individus inaptes au travail, que les SS considéraient comme inutiles et assassinaient. Lorsque des convois de Juifs arrivaient à Birkenau, certains des adultes valides étaient donc sélectionnés : soit pour le travail forcé dans le camp de concentration, soit pour les chambres à gaz, notamment les enfants et les personnes âgées.
Les médecins, à Auschwitz et dans d’autres camps de concentration, procédaient également à des sélections régulières dans les infirmeries et les baraquements. Il s’agissait d’identifier les prisonniers blessés, trop faibles ou trop malades pour travailler. Pour les exterminer, la SS avait recours à diverses méthodes, par exemple les injections mortelles et le gaz. Josef Mengele s’occupait souvent de la sélection à Birkenau, ce qui conduisit certains détenus à l’appeler « l’ange de la mort ». La prisonnière Gisella Perl, une gynécologue juive déportée à Birkenau, raconta plus tard comment l’arrivée de Josef Mengele dans l’infirmerie des femmes remplissait les détenues de terreur :
Nous redoutions ces visites plus que tout, car […] nous ne savions jamais si nous serions autorisées à vivre […] Il pouvait faire ce qu’il voulait de nous.
– Citation tirée des mémoires de Gisella Perl « I was a Doctor in Auschwitz »
Après la Seconde Guerre mondiale, au fur et à mesure des témoignages de médecins emprisonnés qui avaient travaillé sous ses ordres et de détenus qui avaient survécu à ses expériences médicales, Josef Mengele et son travail à Auschwitz acquirent une sinistre réputation.
Une cinquantaine de médecins environ exerçaient à Auschwitz. Josef Mengele n’était ni le plus haut placé ni le chef, mais son nom demeure le plus connu de tous. La raison, entre autres, était sa présence fréquente sur la rampe où avait lieu la sélection. Même lorsqu’il n’y était pas de service, il s’y postait et guettait l’arrivée de nouveaux jumeaux pour ses expériences ou de médecins qui rejoindraient l’infirmerie de Birkenau. De nombreux survivants sélectionnés lors de leur débarquement à Auschwitz présumèrent donc que Josef Mengele était le médecin qui les avait choisis. Pourtant, il n’effectuait pas cette tâche plus souvent que ses collègues.
Recherches biomédicales à Auschwitz
La SS autorisait les chercheurs en biomédecine allemands à mener des expériences contraires à toute éthique et souvent mortelles sur des êtres humains dans les camps de concentration. Auschwitz faisait office de fournisseur auprès de plusieurs camps et, étant donné le nombre de prisonniers qui y étaient déportés, conduisait également des expériences sur site. En effet, la SS y envoya 1,3 million d’hommes, de femmes et d’enfants de multiples origines nationales et ethniques. C’est donc là que des scientifiques à la recherche de sujets humains aux critères spécifiques pouvaient en trouver plus facilement.
Josef Mengele faisait partie d’un groupe de plus d’une dizaine de professionnels de santé SS qui procéda à des expériences sur des personnes emprisonnées à Auschwitz. Parmi eux :
- Eduard Wirths, médecin en chef d’Auschwitz
- Carl Clauberg, spécialiste reconnu du traitement de l’infertilité
- Horst Schumann, qui gaza des milliers de patients handicapés dans le cadre du programme nazi d’euthanasie
- Helmut Vetter, qui mena des essais cliniques pour Bayer, une filiale d’IG Farben, sur des prisonniers des camps de concentration de Dachau, Auschwitz, et Gusen
- Johann Paul Kremer, professeur d’anatomie.
Ces médecins voyaient leur affectation à Auschwitz comme une belle occasion de faire progresser leurs recherches.
Types d’expériences menées
Les expériences menées dans les camps de concentration mutilèrent définitivement de nombreuses victimes et coûtèrent la vie à bien d’autres. Parfois, la mort était d’ailleurs le résultat visé. Les professionnels de santé qui menaient les tests à Auschwitz ne demandaient pas leur accord aux prisonniers et ne leur donnaient aucune information sur le traitement ou ses effets potentiels. À Auschwitz, les expérimentations consistaient à, entre autres :
- tester des méthodes de stérilisation de masse
- blesser volontairement des prisonniers ou leur inoculer des maladies pour étudier leurs effets et tester des traitements
- effectuer des opérations et des procédures inutiles sur des patients à des fins de recherches ou pour former des professionnels de santé
- tuer et disséquer des prisonniers à des fins de recherche anthropologique et médicale
Les expériences de Josef Mengele à Auschwitz
En plus de ses fonctions habituelles à Auschwitz, Josef Mengele menait des recherches et des expériences sur les déportés. Il est possible que son mentor, Otmar von Verschuer, se soit arrangé pour qu’il soit affecté à Auschwitz afin de contribuer aux travaux de l’Institut KWI-A. En effet, il ne cessa d’envoyer du sang, des membres, des organes, des squelettes et des fétus prélevés sur des prisonniers d’Auschwitz. Ses études et expériences lui permettaient ainsi de collaborer aux projets de ses collègues en Allemagne.
Au sein du camp, Josef Mengele menait ses propres expériences sur les détenus. Il espérait publier ses résultats pour prétendre à une chaire universitaire.
Dans le cadre de son poste à Auschwitz, il organisa notamment un complexe de recherche situé dans plusieurs baraquements. Des professionnels de santé choisis parmi les prisonniers lui servaient de personnel et il parvint à se fournir un équipement, du matériel et des instruments médicaux modernes. Il créa même un laboratoire de pathologie.
Objectifs des recherches
En général, les recherches personnelles de Josef Mengele et celles qu’il menait pour le KWI-A portaient sur la façon dont les gènes produisent des caractéristiques physiques et mentales spécifiques. Lorsque de telles expériences sont menées de manière conforme à l’éthique, elles constituent une part légitime et importante de la génétique. Mais le travail de Josef Mengele, d’Otmar von Verschuer et de leurs collègues était perverti par leur adhésion à une théorie raciale pseudoscientifique, l’un des piliers de l’idéologie nazie, selon laquelle les races humaines sont génétiquement distinctes les unes des autres. Elle établissait une hiérarchie et soulignait que les membres de races « inférieures » étaient plus prompts à manifester des caractéristiques négatives que les races « supérieures ». Ces traits héréditaires considérés comme négatifs ne se limitaient pas aux maladies et déficiences physiques et mentales. Ils étaient supposés inclure également des comportements socialement inacceptables ou immoraux comme le vagabondage, la prostitution et la délinquance. D’après cette théorie erronée de la race, les mariages interraciaux transmettaient leurs propriétés négatives aux races « supérieures » et les affaiblissaient.
L’objectif de Josef Mengele consistait donc à identifier des marqueurs physiques et biochimiques précis qui permettraient d’isoler avec certitude des membres de certaines races. Cette découverte aurait une importance vitale pour la préservation de la supériorité raciale supposée du peuple allemand. La portée de ces recherches justifiait alors les expériences dangereuses et mortelles menées sur des personnes (en l’occurrence des prisonniers d’Auschwitz) considérées comme racialement inférieures.
Qui étaient les victimes ?
Josef Mengele choisit la majorité de ses victimes dans deux groupes ethniques : les Tsiganes (Roms) et les Juifs, deux groupes d’un intérêt tout particulier pour les chercheurs en biomédecine de l’Allemagne nazie. En effet, selon l’idéologie nazie, les Tsiganes et les Juifs étaient des « sous-humains », une menace pour la « race » allemande. C’est la raison pour laquelle, aux yeux des scientifiques nazis, l’éthique médicale ne s’appliquait pas à ces individus.
Pendant la période où Josef Mengele travailla à Auschwitz-Birkenau, plus de 20 000 Roms y furent internés et des centaines de milliers de Juifs y furent déportés. Une telle concentration de personnes issues de ces groupes à disposition des scientifiques n’existait nulle part ailleurs dans le monde. De même, cette possibilité de mener les expériences de leur choix sur des êtres humains était inédite. Josef Mengele fit d’ailleurs observer à un collègue que ce serait un crime de ne pas tirer parti de cette occasion d’expérimenter sur des humains à Auschwitz-Birkenau.
Les Tsiganes (Roms)
En plus de choisir des Tsiganes comme sujets de ses expériences médicales, Josef Mengele mena une étude anthropologique des hommes, des femmes et des jeunes tsiganes du Zigeunerlager. Lorsqu’une épidémie de noma (une gangrène de la bouche) éclata parmi les enfants du camp, il envoya des médecins prisonniers l’étudier. Cette infection bactérienne touche principalement les jeunes souffrant de malnutrition extrême, mais il était convaincu que les enfants d’Auschwitz étaient atteints en raison de leur hérédité plutôt que des conditions de détention. Si les médecins prisonniers finirent par découvrir comment les guérir de cette maladie mortelle, tous les enfants furent assassinés dans les chambres à gaz.
Les jumeaux
Dans les années 1930, la recherche sur la génétique humaine s’intéressait beaucoup aux jumeaux. Avant la Seconde Guerre mondiale, le professeur von Verschuer et d’autres spécialistes en biomédecine utilisèrent des jumeaux pour étudier les origines héréditaires de maladies. Ces premiers chercheurs obtenaient le consentement des individus étudiés ou de leurs parents, mais il leur était difficile de localiser un grand nombre de sujets pour leurs travaux. À Auschwitz, Josef Mengele trouva des centaines de jumeaux parmi les Juifs déportés et les Roms emprisonnés. Il fut le seul à pouvoir mener des recherches et des expériences sur un tel pourcentage de jumeaux.
Par ailleurs, il fit mesurer et enregistrer tous les aspects de leurs corps. Il prélevait de grandes quantités de sang et procédait parfois à des opérations douloureuses.
[...] Ils nous ont aussi fait des piqûres partout. C'est après une de ces piqûres que ma sœur est tombée malade. Son cou a enflé à cause d’une grave infection. Ils l’ont envoyée à l’hôpital et l’ont opérée sans anesthésie, dans des conditions rudimentaires. (…)
Extrait du témoignage de Lorenc Andreas Menasche, numéro de camp A 12090.
Josef Mengele assassina également des paires de jumeaux au même moment afin de pouvoir autopsier leurs corps. Ensuite, il envoyait certains de leurs organes au KWI-A.
Les personnes atteintes d’anomalies congénitales
Lors de la sélection des Juifs arrivant sur la rampe d’Auschwitz-Birkenau, Josef Mengele cherchait des gens porteurs d’anomalies physiques, notamment des individus atteints de nanisme, de gigantisme ou qui avait un pied bot. Il menait ses recherches, puis les faisait tuer et envoyait leurs corps en Allemagne pour être étudiés par des scientifiques.
Il comptait également sur la présence de Tsiganes et de Juifs atteints d’hétérochromie (aux yeux de couleurs différentes). L’un des chercheurs du KWI-A s’intéressant particulièrement à ces cas, il faisait assassiner ces sujets avant de faire parvenir leurs yeux à ce collègue.
Les enfants
La plupart des victimes des expériences médicales de Josef Mengele furent des enfants. Ceux qui étaient sélectionnés pour ses expériences vivaient dans des baraquements à l’écart du reste des prisonniers et étaient un peu mieux nourris et traités que les autres. Josef Mengele se montrait même aimable avec eux. En 1985, Moshe Ofer, un survivant de ses expériences, fit part de ses souvenirs :
[Mengele] nous rendait visite comme le ferait un gentil tonton, il nous apportait du chocolat. Avant d’utiliser le scalpel ou la seringue, il disait : « N’aie pas peur, il ne va rien t’arriver… » […] il injectait des produits chimiques, il a opéré la colonne vertébrale de Tibi. Après ses expériences, il nous apportait des cadeaux […] Plus tard, pour ses expériences, il nous a fait insérer des épingles dans la tête. On voit toujours les cicatrices. À un moment, il a fait emmener Tibi. Mon frère est parti plusieurs jours. Lorsqu’ils l’ont ramené, sa tête était entourée de bandages. Il est mort dans mes bras.
Dans le cadre de ses expériences et de son travail avec le KWI-A, Josef Mengele collabora à une étude sur le développement de la couleur des yeux qui consistait à déposer dans les yeux d’enfants et de nouveau-nés une substance fournie par l’un de ses collègues. Ce traitement entraînait des irritations, des gonflements, la cécité, voire la mort.
Un prisonnier qui devait s’occuper de jumeaux juifs sélectionnés pour les expériences raconta plus tard les réactions émotionnelles et physiques des enfants :
On prélevait des échantillons de sang, d’abord de leurs doigts, puis de leurs artères, parfois deux ou trois fois des mêmes victimes. Les enfants hurlaient et essayaient de se protéger pour empêcher qu’on les touche. Le personnel avait recours à la force. […] On leur mettait aussi des gouttes dans les yeux […] Certaines paires d’enfants recevaient une goutte dans les deux yeux, d’autres dans un seul. […] Ces pratiques étaient douloureuses pour les victimes. Ils souffraient d’œdèmes graves aux paupières, de sensations de brûlure […].
En fuite
En janvier 1945, alors que l’Armée rouge gagnait du terrain dans l’ouest de la Pologne, Josef Mengele fuit Auschwitz avec le reste du personnel SS. Il passa les mois suivants à travailler dans le camp de concentration de Gross-Rosen et ses sous-camps. Dans les derniers jours du conflit, il enfila un uniforme de l’armée allemande et se joignit à une unité militaire. Après la fin de la guerre, celle-ci se rendit aux forces américaines.
Il se fit passer pour un officier de l’armée allemande et devint prisonnier de guerre. L’armée américaine le libéra début août 1945 sans savoir que son nom figurait sur une liste de criminels de guerre recherchés.
De la fin 1945 au printemps 1949, Josef Mengele travailla comme ouvrier agricole sous un faux nom près de Rosenheim, en Bavière. De là, il parvint à reprendre contact avec sa famille. Lorsque les enquêteurs américains sur les crimes de guerre eurent vent de ses crimes à Auschwitz, ils tentèrent de le localiser et de l’appréhender. Mais de fausses déclarations de sa famille les convainquirent qu’il était mort. Ces tentatives d’arrestation lui firent comprendre qu’il n’était pas en sécurité en Allemagne. Grâce au soutien financier de sa famille, il immigra donc en Argentine sous une nouvelle identité en juillet 1949.
En 1956, Josef Mengele était bien établi en Argentine et s’y sentait suffisamment en sécurité pour obtenir la nationalité sous le nom de José Mengele. Cependant, en 1959, il apprit que des procureurs d’Allemagne de l’Ouest l’avaient localisé et cherchaient à le faire arrêter. Il émigra au Paraguay où il obtint également la nationalité. En mai 1960, des agents des services secrets israéliens enlevèrent Adolf Eichmann en Argentine et l’emmenèrent en Israël pour qu’il y soit jugé. Devinant que les Israéliens le recherchaient aussi, Josef Mengele fuit le Paraguay. Avec l’aide de sa famille en Allemagne, il passa le reste de sa vie sous un nom d’emprunt aux environs de São Paulo, au Brésil. Le 7 février 1979, dans un complexe touristique près de Bertioga, il eut une attaque alors qu’il nageait et se noya. Il fut enterré dans une banlieue de São Paulo sous le nom de Wolfgang Gerhard.
Découverte et identification du corps
En mai 1985, les gouvernements d’Allemagne, d’Israël et des États-Unis décidèrent de coopérer pour le localiser et le traduire en justice. La police allemande perquisitionna le domicile d’un ami de sa famille à Günzburg, en Allemagne, et y établit la preuve qu’il était décédé et enterré près de São Paulo. La police brésilienne trouva la tombe et exhuma son corps en juin 1985. Des expertises médico-légales par des Américains, des Brésiliens et des Allemands identifièrent avec certitude la dépouille comme celle de Josef Mengele. En 1992, une analyse ADN confirma cette conclusion.
Pendant 34 ans, Josef Mengele échappa à toute arrestation et ne fut jamais traduit en justice.
Notes
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Footnote reference1.
Gisella Perl, I was a Doctor in Auschwitz (New York: International Universities Press, 1948), 120.
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Footnote reference2.
Lorenc Andreas Menasche, numéro de camp A 12090, fut emprisonné à Auschwitz à l’âge de 10 ans. Sa sœur et lui furent victimes des expériences médicales de Josef Mengele. Voir les archives du Musée national d’Auschwitz-Birkenau, Témoignages, vol. 125, p. 146–147. D’après Voices of Memory : Medical Experiments (Oświęcim : Auschwitz-Birkenau State Museum in Oświęcim, 2016), p. 57 (livre électronique).
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Footnote reference3.
D’après Anatomy of the Auschwitz Death Camp, éd. Yisrael Gutman et Michael Berenbaum. Bloomington : Indiana University Press, 1994, p. 324-325.
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Footnote reference4.
Extrait d’Elżbieta Piekut-Warszawska, « Dzieci w obozie oświęcimskim (wspomnienia pielęgniarki), » [Enfants dans le camp d’Auschwitz (souvenirs d’une infirmière)], in Przegląd Lekarski, vol. 1 (1967), pp. 204–205. D’après Voices of Memory : Medical Experiments (Oświęcim : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, 2016). 60.